Filière forêt-bois : recruter pour répondre aux défis de demain
La filière forêt-bois joue un rôle clé dans la transition énergétique et le gouvernement entend la renforcer, comme en témoigne la récente proposition de loi sur une « industrie verte ». Pour être au rendez-vous de ces ambitions, la filière forêt-bois doit continuer de grossir ses rangs.
À la croisée des chemins. Alors que la France vise la neutralité carbone à l’horizon 2050, jamais la filière forêt-bois n’a été l’objet de telles attentions. Loi de transition énergétique pour la croissance verte, stratégie nationale bas carbone, projet de loi pour une « industrie verte »… : aucun des scénarios dessinés par les experts ou les autorités publiques pour faire face au changement climatique ne se fera « sans une contribution forte de la filière bois-forêt », s’enthousiasme Jérôme Mousset, directeur bioéconomie et énergies renouvelables à l’Ademe. Même son de cloche du côté de l’interprofession France Bois Forêt, dont le président Jean-Michel Servant estime dans Les Echos qu’ « on fait clairement partie de la solution (…), le bois restant (…) la meilleure technologie pour stocker le CO2 et décarboner les usages ».
Le message semble être remonté jusqu’au plus haut sommet de l’État, où Emmanuel Macron lui-même loue les atouts du secteur. Développer la filière forêt-bois sera indispensable pour remporter, selon le président de la République, « trois batailles fondamentales pour le pays : l’indépendance, la réindustrialisation et le climat », a déclaré le chef de l’Etat le 19 avril. Présentant sa stratégie pour réindustrialiser la France, Emmanuel Macron a aussi affirmé, début mai, sa conviction selon laquelle il convient d’ « accélérer avec la filière bois qui est absolument clé pour la décarbonation ». « On est à un moment charnière », appuie, toujours dans les pages des Echos, Cécile Cantrelle, du syndicat des industries de l’ameublement, « où l’ensemble des acteurs s’organisent, se mettent en ordre de bataille pour que la filière joue un rôle majeur dans la transition écologique ».
76 000 postes
Autrement dit, tous les signaux sont au vert pour la filière forêt-bois qui prévoit de recruter, pour soutenir son développement, pas moins de 76 000 personnes d’ici à la fin de l’année. Seule ombre au tableau : en dépit des nombreux débouchés proposés, peu de candidats frappent aujourd’hui à la porte. D’après les chiffres du ministère de l’Agriculture, plus de la moitié des postes de la filière bois ne seraient pas rapidement pourvus. Une situation pour le moins paradoxale : alors que la filière est explicitement présentée comme un secteur d’avenir, qu’elle réalise plus de 60 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel et que les offres d’emplois se comptent par dizaines de milliers, le secteur est boudé par les candidats potentiels.
« Les métiers de la forêt et du bois sont méconnus par une grande partie de la jeunesse, essentiellement urbaine », avance Nicolas Jobin, responsable communication de l’UCFF (Union de la coopération forestière française). De plus, les métiers du bois sont, bien souvent, perçus comme excessivement physiques, quand ils ne sont pas associés, dans l’imaginaire collectif, à des risques tels que ceux que courent parfois les bûcherons quand ils abattent un arbre ou manipulent des tronçonneuses. Autant de préjugés qui ont la vie dure mais ne correspondent pas à la réalité des emplois de la filière.
Sortir des idées reçues
Conscients qu’il est temps de dépoussiérer une image appartenant à un temps révolu, les acteurs du secteur forêt-bois viennent de concevoir un ambitieux plan d’action destiné à mettre en lumière l’attractivité des métiers forestiers. « Notre ambition est triple », détaille Nicolas Jobin : « d’abord, montrer la diversité de nos métiers : nous embauchons aussi bien des ouvriers sylvicoles que des ingénieurs forestiers, des spécialistes en système d’information géographique ou des conducteurs d’engins. Rappeler ensuite que nous nous inscrivons dans la modernité (…) Enfin, nous devons utiliser les canaux de communication favoris de notre cible et parler le même langage ».
C’est cette dernière raison qui a convaincu l’interprofession de lancer une inédite application de réalité virtuelle, qui « s’apparente à un jeu vidéo qui permet, en évoluant dans une forêt virtuelle, de découvrir notre quotidien : détecter les arbres malades, estimer les volumes à récolter, effectuer des analyses de sol pour préparer les replantations ». L’idée, à nouveau, est de sortir des idées reçues qui nuisent à la réputation de la filière : « il faut aussi faire comprendre que l’on régule, avec nos métiers, une forêt qui peut être malade et qu’on le fait de manière durable », insiste Francis de Morogues, directeur du Pôle Excellence Bois des Pays de Savoie, selon qui « il faut expliquer aux jeunes que ce sont des métiers qui font appel à des savoirs ancestraux, mais qui se sont modernisés, il faut que ces professions gagnent à nouveau en attractivité ».