Les grèves françaises auront un impact économique limité
La France fait actuellement face à un mouvement de protestation contre la réforme des retraites proposée par le gouvernement.
Ce mardi 7 mars marque le sixième jour de mobilisations et les syndicats espèrent que le mouvement va se renforcer. Bien que cela soit un événement important d’un point de vue politique et social, l’impact économique des grèves ne devrait pas être surestimé.
Les syndicats en front uni contre la réforme des retraites
En France, les huit principaux syndicats (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, Solidaires et FSU), présentant un front uni sans précédent, ont lancé une mobilisation le 19 janvier. Ils veulent que le gouvernement recule sur sa réforme des retraites. Le premier jour de mobilisation, le 19 janvier, a rassemblé 1,12 million de manifestants dans toute la France, dont 80 000 à Paris, selon le ministère de l’Intérieur. Le 31 janvier, ce chiffre est passé à 1,27 million de manifestants (87 000 à Paris). Les jours suivants ont été moins réussis, avec 757 000 personnes le 7 février, 963 000 le 11 avril et 450 000 le 16 février. Maintenant que les vacances scolaires sont terminées, la grève du 7 mars devrait voir une reprise du mouvement en force, avec entre 1,1 et 1,4 million de personnes attendues dans les rues.
Les syndicats souhaitent « paralyser la France ». Les transports seront paralysés, des fermetures d’écoles sont attendues et d’autres secteurs seront perturbés, notamment le secteur de l’énergie et de l’industrie chimique. Le gouvernement a appelé les Français à travailler autant que possible depuis chez eux. Les syndicats ont annoncé une grève « renouvelable », qui pourrait durer, au moins partiellement, au-delà du 7 mars.
Les grèves ont un impact économique qui peut être mesuré en prenant en compte les effets directs sur les entreprises concernées, les effets indirects sur les entreprises pénalisées par les problèmes de transport et d’approvisionnement, ainsi que les effets de substitution. Par exemple, certains voyageurs privés de leur train peuvent se tourner vers d’autres modes de transport. Pour estimer l’impact d’une grève sur la croissance du PIB, il est possible de comparer la croissance économique pendant la période de grève avec une situation hypothétique sans mobilisation. Découvrez comment le calculer et prenez en compte tous les effets économiques des grèves sur les entreprises et l’activité économique.
En général, les recherches montrent que bien que certaines secteurs de l’économie peuvent être impactés, les grèves ont eu peu d’effet durable sur la croissance économique. En réalité, l’impact économique des grèves est le plus souvent limité à la période de mobilisation et les pertes enregistrées sont généralement rapidement compensées dans les mois suivants. L’INSEE (l’institut national de la statistique) a estimé l’impact macroéconomique des mouvements sociaux précédents en France. Par exemple, l’impact des grèves de novembre 1995 contre le plan Juppé et sa réforme des retraites était inférieur à 0,2 points de perte de croissance du PIB au niveau national au quatrième trimestre de l’année, bien que les tensions sociales aient duré trois semaines avec un blocage majeur des transports publics. Cette baisse a ensuite été largement compensée par une augmentation de l’activité au trimestre suivant.
Quant aux manifestations de novembre 2007 contre la réforme des régimes spéciaux de retraite, elles ont mobilisé plus de personnes qu’en 1995 mais n’ont duré que 10 jours, entraînant une baisse d’environ 0,2 points de PIB qui a été totalement compensée par la suite. En 2018, la « grève intermittente » de la SNCF a fortement perturbé les transports pendant trois mois, au détriment de certains secteurs comme le tourisme et l’industrie hôtelière. Mais cette grève n’a coûté que peu moins de 0,1 points de PIB au deuxième trimestre de 2018, selon l’INSEE, et un impact positif de même ordre a été enregistré au trimestre suivant.
Pendant le quatrième trimestre de 2018, les mobilisations ont repris, avec la crise des «gilets jaunes», sans précédent car elle n’était pas gérée par les syndicats, avec un grand nombre de rassemblements dispersés dans le temps et sur le territoire. Les actions ont eu lieu le week-end, les rendant moins remarquées. Selon l’INSEE, ce mouvement a coûté 0,1 point de PIB au quatrième trimestre de 2018, au plus fort du mouvement.
Quel impact peut-on attendre des grèves de 2023 ?
Jusqu’à présent, la mobilisation des Français pour manifester ou faire grève a été importante, mais probablement pas suffisante pour avoir un impact macroéconomique significatif. L’impact microéconomique sur certains secteurs est également très limité. Demain ne sera que le sixième jour de mobilisation et les perturbations ont été, pour l’instant, limitées à certains secteurs très spécifiques, tels que les transports. Compte tenu du développement du travail à domicile depuis la pandémie, il est probable que les « coûts indirects » des perturbations de transport sur d’autres secteurs d’activité seront beaucoup plus limités que lors des grèves précédentes.
Si la mobilisation devait s’intensifier considérablement et que certains secteurs étaient bloqués pendant plusieurs semaines, l’impact sur la croissance du PIB pourrait devenir quantifiable, de l’ordre de 0,1 ou même 0,2 point de pourcentage de moins que dans une situation sans grève. Comme la situation économique française actuelle est, pour d’autres raisons, marquée par un ralentissement de l’activité, cela pourrait entraîner un taux de croissance de 0%, voire légèrement négatif pour le PIB français au cours de cette période. Cependant, les grèves ne seraient qu’un des facteurs (avec un faible impact) derrière cette évolution. Un impact supérieur à 0,2 point de pourcentage sur la croissance économique française semble, à ce stade, très peu probable.