Réforme de l’enseignement professionnel : Emmanuel Macron mise sur les stages en entreprise
Le président de la République souhaite réformer les stages en entreprise, en augmentant leur durée tout en assurant aux stagiaires de meilleures conditions de rémunération. Une bonne nouvelle pour les jeunes comme pour les entreprises, qui voient dans ces dispositifs un moyen d’attirer et de fidéliser de nouveaux talents – à condition d’y mettre les moyens, humains et matériels.
C’est un « immense chantier », de l’aveu même du président de la République. En visite dans un lycée des Sables-d’Olonne, Emmanuel Macron a dévoilé, mardi 13 septembre, les grandes orientations qu’il souhaite donner à l’enseignement professionnel, une voie qui ne concerne pas moins d’un lycéen français sur trois. Une nouvelle réforme qui entend répondre à un double objectif : mieux préparer, d’une part, les jeunes au monde du travail, et répondre, d’autre part, aux besoins de recrutement des entreprises. « Je crois dans le lycée professionnel », a ainsi lancé le chef de l’Etat, selon qui « notre devoir, c’est de le rendre plus fort ». Dont acte, avec ces nouvelles mesures qui ne devraient, cependant, pas entrer en vigueur avant l’année prochaine.
Mieux préparer les jeunes au monde de l’entreprise
Parmi les mesures annoncées, la plus symbolique tient sans doute à l’allongement des périodes de stage en entreprise. Leur durée, de 12 à 16 semaines en CAP et de 22 semaines en bac pro, pourrait ainsi être augmentée de 50% dès la rentrée 2023. Plus longs, les stages seront aussi mieux rémunérés : alors que les stagiaires ne perçoivent qu’une gratification de 3,90 euros par heure si – et seulement si – leur stage se poursuit au-delà de 44 jours, leur rémunération pourrait, bientôt, être revalorisée et systématisée, l’Etat se substituant alors à l’employeur. « Une marque de respect pour les jeunes et de valorisation pour leurs familles », d’après Emmanuel Macron, qui avait déjà affirmé en août dernier sa conviction selon laquelle « la réussite de nos lycées sera absolument clé pour le plein emploi ».
Sans surprise, la réforme de l’enseignement professionnel a été diversement accueillie par les premiers concernés, notamment au sein du corps enseignant. Si certains estiment que l’entreprise est, dans les lycées pro, « déjà une réalité au quotidien », d’autres redoutent, au contraire, une baisse quantitative et qualitative des cours : « Va-t-on encore retirer des heures d’enseignement général ? ». Des critiques qui ne devraient pas entraver la volonté réformatrice du gouvernement, qui souhaite même, par la voix du ministre de l’Education nationale Pap Ndiaye, offrir aux élèves de 5e des collèges volontaires la possibilité de réaliser des « mini-stages » en entreprise.
Une réforme bien accueillie du côté des professionnels
Fraîchement accueillie par les enseignants, la réforme de l’exécutif devrait, en revanche, satisfaire aux demandes et besoins des entreprises. Les stages et les contrats d’alternance ont, en effet, de plus en plus la cote chez les professionnels. A l’image du groupe Bouygues, qui avec plus de 3 330 stagiaires accueillis en 2021, entend renforcer les liens entre les écoles et le monde de l’entreprise en proposant aux jeunes diplômés des stages et des alternances dans différents métiers du groupe. La réforme introduite par le gouvernement arrive donc à point nommé pour les entreprises, qui font paradoxalement face à une diminution de la demande de la part des jeunes.
« En 2020 », estime ainsi l’économiste Bertrand Martinot, « il y avait 225 000 stagiaires de l’enseignement supérieur et c’est en forte diminution » – une baisse que l’expert attribue, en partie, à la précédente réforme datant de 2018. Si les entreprises se montrent si enthousiastes à l’idée d’accueillir des stagiaires, c’est que ce format permet, entre autre, d’écorner les préjugés et caricatures qui collent, chez les plus jeunes, à l’image de l’entreprise – et de son éternel « chef méchant habillé en gris qui parle mal aux employés », ironise Virginie Salmen, cofondatrice de ViensVoirMonTaf, une plateforme qui propose des stages de 3e dans des grands groupes. Mais les stages s’inscrivent aussi dans une perspective d’égalité des chances, pour des élèves qui, au-delà de la découverte d’un métier, sortent pour certains d’entre eux pour la première fois de leur quartier ou de leur seul cercle familial.
L’expérience en entreprise pour « pré-recruter » les talents
Les stages et les contrats d’alternance représentent aussi, pour les entreprises, un moyen de « pré-recruter » leurs futurs collaborateurs – à condition, évidemment, d’y mettre les moyens et de tout faire pour susciter des vocations chez les jeunes accueillis. Comme le dit Jean-Philippe Lacharme, de Saint-Gobain, « notre seul sujet, c’est le taux de transformation. Il faut que les jeunes restent ». Une dynamique partagée chez EDF, où les milliers de stagiaires et d’alternants accueillis chaque année bénéficient d’un accompagnement individuel de 5 500 salariés-tuteurs « engagés dans la réussite de tous nos alternantes, alternants et stagiaires pour les accompagner vers la réussite de leur formation, l’apprentissage d’un métier et vers l’emploi » précise Christophe Carval Directeur Exécutif en charge de la Direction des Ressources Humaines – de quoi garantir la cohésion dans les équipes et le transfert de compétences entre les générations.
Cette fidélisation à long terme passe également par le fait de confier de véritables responsabilités aux stagiaires, en leur ouvrant la porte de métiers porteurs de sens – une demande particulièrement forte chez les Millennials et que les entreprises commencent à intégrer. A l’image d’Alstom, où « nous savons que (la mobilité durable) est un aspect très important pour les nouvelles générations », affirme Jérôme Hallaux, Talent Acquisition Specialist au sein de la branche belge du groupe, selon qui « nous essayons de le mettre plus en avant dans nos échanges avec les candidats ». Loin de l’image poussiéreuse du fameux « stage de 3e » passé à compter les trombones en soupirant, le stage en entreprise peut donc être l’occasion de se découvrir des dispositions pour un métier, voire une véritable passion – et qui sait, même une vocation. Le jeu n’en vaut-il pas la chandelle ?