Des retombées au compte goutte : l’économie française après cinq ans sous Emmanuel Macron
En mars dernier, le président français Emmanuel Macron s’est lancé dans la campagne électorale pour tenter de se faire réélire après cinq années de crise pour la France, l’Europe et le monde entier. Après avoir examiné le bilan de Macron en matière d’affaires étrangères la semaine dernière, penchons-nous sur le bilan économique du centriste au cours de son mandat.
A entendre les partisans d’Emmanuel Macron, c’est dans le domaine économique que le bilan du président sortant est le plus brillant. L’attractivité de l’économie française pour les entreprises, sa compétitivité, ses performances en matière de croissance, d’emploi et de pouvoir d’achat – tout est rose, a déclaré M. Macron aux électeurs français dans une lettre ouverte le 3 mars, annonçant sa candidature à un second mandat en avril.
Dans quelle mesure ce discours de campagne est-il proche de la réalité ? Comme c’est souvent le cas en économie, tout dépend de la perspective de chacun. Macron a remporté le pouvoir en 2017 avec un objectif économique primordial : « libérer le travail et l’esprit d’entreprise », comme le promettait son programme, afin d’encourager la croissance, de réduire le chômage et de stimuler le pouvoir d’achat des consommateurs français.
Pour y parvenir, M. Macron – un ancien banquier d’affaires qui avait été ministre de l’économie sous le président socialiste François Hollande – a promis de profondes réformes économiques, afin d’apporter des changements concrets en France et de transformer la perception qu’ont les investisseurs étrangers de l’économie du pays.
Pour les entreprises, M. Macron a fait passer le taux d’imposition des sociétés de 33,3 % à 25 %, a réduit le coût du travail en transformant un crédit d’impôt de 20 milliards d’euros par an en une réduction permanente des cotisations de sécurité sociale pour les employeurs. Il a également fait modifier le code du travail français pour aider les entreprises en facilitant les licenciements. Pour les particuliers, il a supprimé l’impôt sur la fortune (ISF) et créé un prélèvement forfaitaire unique sur les plus-values afin de stimuler l’investissement dans les entreprises et l’économie réelle par effet de ruissellement.
Cinq ans après l’élection de Macron, les chiffres bruts sont relativement flatteurs. La croissance du PIB, par exemple, a atteint 7 % en 2021, selon une première estimation de janvier de l’Insee. Ce chiffre exceptionnellement élevé représente le rebond de l’économie française après un plongeon historique (- 8 %) pendant la récession de 2020 provoquée par la pandémie, même si le rebond ultérieur de la France a été l’un des plus solides de tous les pays de la zone euro. Le taux de chômage de la France, quant à lui, est tombé à 7,4 % au quatrième trimestre de 2021, un chiffre jamais atteint depuis 2008.
L’image de la France à l’étranger et son attrait pour les investisseurs étrangers ont également connu des gains considérables. Le parti de Macron, La République en Marche, se targue d’avoir fait de la France le pays le plus attractif d’Europe pour les investisseurs au cours du mandat du président sortant, la France enregistrant 985 projets d’investissements étrangers en 2020, contre 975 au Royaume-Uni et 930 en Allemagne, selon l’indice d’attractivité d’EY Consulting.
Sécurité et qualité de l’emploi en déclin
Pourtant, ces bons résultats ne racontent qu’une partie de l’histoire, notamment en ce qui concerne l’attractivité française et la capacité du pays à être compétitif au niveau mondial. La balance commerciale de la France, en particulier, reste une préoccupation majeure, le déficit du commerce extérieur augmentant encore de 7,3 milliards d’euros en 2020 pour atteindre 65,2 milliards d’euros.
Par ailleurs, le taux de chômage du pays a baissé principalement en raison d’une augmentation de la précarité de l’emploi pour les travailleurs salariés. Pour stimuler le recrutement, la France a cherché à rassurer les entreprises sur le fait qu’elles pouvaient effectivement se séparer de leurs employés en cas d’adversité, conformément aux réformes de 2017. En conséquence, les entreprises ont plus fréquemment proposé des emplois peu sécurisés (contrats de courte durée, intérim, etc.). En 2020, 3,3 millions de personnes en France occupaient des emplois peu sécurisés, soit environ 12,4 % de l’emploi total, selon l’Insee. Mais surtout, la modification du code du travail a permis d’établir un barème d’indemnités prud’homales en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Les employeurs peuvent désormais licencier sans motif, c’est-à-dire sans respecter la loi, et savoir à l’avance combien ces licenciements vont leur coûter.
Au-delà de la montée de la précarité, le quinquennat de Macron s’est aussi distingué par la baisse de la qualité des emplois pour les travailleurs. Le site d’information d’investigation Mediapart a rapporté que le nombre moyen d’heures travaillées est passé de 32 heures par semaine au deuxième trimestre 2017, lorsque Macron a été élu, à 30,9 heures par semaine au troisième trimestre 2021. Une partie de cette baisse est due à la crise du Covid-19, mais elle est aussi le signe d’un changement qualitatif dans le travail effectué par les travailleurs. Bon nombre des ouvertures créées ont été des emplois de services commerciaux à faible valeur ajoutée. En janvier, le gouvernement s’est vanté que l’année 2021 avait vu la création de près d’un million d’entreprises en France – « tout simplement un record historique », a déclaré le ministre de l’économie Bruno Le Maire. Mais 641 543 de ces entreprises étaient ce que l’on appelle des micro-entreprises (anciennement auto-entreprises), de petites entreprises créées par et pour un seul commerçant.