La France s’attaque au commerce de livres d’Amazon
Un projet de loi français prévoit de fixer des tarifs minimaux pour les livraisons de livres, ce qui ferait passer les prix de presque zéro à des entreprises comme Amazon.
Qui se souvient qu’Amazon était autrefois une librairie en ligne ? Eh bien la France, évidemment.
Dans une nouvelle attaque contre le géant du commerce électronique, les législateurs français examineront cette semaine un projet de loi qui empêcherait effectivement Amazon de proposer une livraison quasi-gratuite pour les achats de livres – un argument de vente majeur de la plateforme en ligne par rapport aux librairies traditionnelles.
Le projet de loi, qui émane du Sénat et qui a le soutien du président Emmanuel Macron lui-même, vise à protéger les librairies indépendantes de la concurrence d’Amazon, qui les a fait vaciller. Il s’agit de la dernière mesure en date d’une série de mesures visant à protéger la culture locale contre les entreprises technologiques étrangères, notamment en soutenant les éditeurs de presse contre Google et Facebook, et les diffuseurs de télévision contre Netflix.
« L’objectif est de réduire la distorsion de concurrence entre les acteurs en ligne qui peuvent proposer la livraison de livres à un centime, et les autres », a déclaré Géraldine Bannier dans une interview. Bannier, députée du MoDem, le parti allié d’Emmanuel Macron, est en charge du projet de loi à la chambre basse.
Le texte, qui sera examiné mercredi par la commission de la culture de l’Assemblée nationale, prévoit d’imposer un tarif minimum pour les livraisons de livres. En d’autres termes, la promesse d’Amazon d’une livraison quasi-gratuite des livres ne serait plus légale en France.
Le géant américain du commerce électronique s’oppose aux nouvelles règles, selon plusieurs responsables français, qui ont déclaré que l’entreprise faisait du lobbying contre ces règles.
Amazon a refusé de faire des commentaires pour cet article.
Les politiciens français ont longtemps défendu les librairies indépendantes contre l’entreprise technologique américaine – une fois décrite par la maire de Paris Anne Hidalgo comme « la mort des librairies » – et certains ont même appelé au boycott d’Amazon.
Entre 2006 et 2019, la part de marché des 3 300 librairies indépendantes de France aurait diminué de près de 3 points de pourcentage en raison de la concurrence des détaillants en ligne tels qu’Amazon et la Fnac. Lors du premier verrouillage dû au coronavirus, les librairies ont également dû fermer – mais elles ont été qualifiées de « commerces essentiels » début 2021 et autorisées à rester ouvertes. En 2020, une librairie sur cinq a perdu plus de 10 % de son chiffre d’affaires par rapport à 2019.
La France n’est pas étrangère à la réglementation du secteur du livre.
Au début des années 1980, le pays a adopté une loi sur le « prix unique du livre », selon laquelle les éditeurs doivent décider des prix. Les distributeurs fixent ensuite les leurs dans une fenêtre très limitée comprise entre 95 et 100 % du prix dicté par les éditeurs.
En plus de cette règle, les livraisons gratuites ne sont techniquement pas autorisées. Les décideurs politiques ont maintenant l’impression que le large éventail de tarifs de livraison – de 0,01 € à 7 € selon le distributeur – va à l’encontre de l’objectif de la loi, qui est de fixer un prix unique pour les livres.
Le nouveau projet de loi oblige les détaillants à facturer l’expédition des livres à un prix minimum qui sera fixé par les ministère de l’Économie et de la Culture, sur la base d’une proposition de l’Arcep, l’autorité de régulation des télécommunications et des postes. Il obligerait également les plateformes en ligne à distinguer plus clairement les livres neufs des livres d’occasion.