Une reprise en demi-teinte pour l’événementiel tricolore
Tandis que certains acteurs, comme GL Events, semblent tirer leur épingle du jeu, d’autres, comme Comexposium, présentent des perspectives plus inquiétantes. Le leader français de l’événementiel ne sait toujours pas s’il pourra rebondir après la crise du coronavirus. Il accuse 75 % de chiffre d’affaires en moins et affronte en ce moment des dissensions internes qui nuisent à son image. A l’extérieur comme en interne.
« Chers professionnels de l’événementiel, bonne vraie reprise d’activité ! Chers clients de l’événementiel, très heureux de vous réunir à nouveau ». En juin dernier, l’Union française des métiers de l’événement (UNIMEV) se voulait confiante, en amont du lancement de la saison estivale qui promettait, après quinze mois délicats dus aux mesures prises pour lutter contre le coronavirus, de voir la « vie d’avant » reprendre ses droits. Et notamment ceux à la fête et aux rencontres.
Reprise inégale
Difficile, à présent que l’automne est arrivé, d’affirmer que la « reprise d’activité » a bel et bien eu lieu. Cette rentrée est plutôt à marquer du sceau de la complexité : avec 30 à 50 % d’exposants en moins, une clientèle étrangère frileuse et des vacanciers français moins présents que l’année passée – où l’ « effet confinement » avait incité les familles à sortir sillonner l’Hexagone -, le secteur de l’événementiel se réveillerait presque avec la gueule de bois de cet été. Sans parler des locations d’espaces, qui ont fortement diminué (entre -30 et -50%), et des nombreux licenciements ou fermetures de PME (plus de 600 selon l’UNIMEV)…
Tous les acteurs, en revanche, ne sont pas logés à la même enseigne. Chez GL Events, géant mondial de l’événementiel, si l’on s’est séparé de 15 % de ses effectifs, la reprise a bien eu lieu. Notamment grâce à deux vitrines internationales : Voyage, un nouvel espace d’exposition à la Samaritaine, l’iconique grand magasin parisien qui rouvre après quinze ans de fermeture, et le Grand Palais éphémère, prouesse architecturale en bois (10 000 mètres carrés), qui aura vocation à accueillir de nombreux événements de culture et luxe, avec un carnet d’ores et déjà bien chargé (Tour Auto Optic 2000, Art Paris, Fiac, etc.)
A l’inverse, les acteurs dont la majorité des exposants viennent de l’étranger ont traversé l’été en serrant les dents. Première Vision (85 % d’exposants internationaux ; 25 % de visiteurs français seulement) a ainsi largement souffert des restrictions gouvernementales empêchant les étrangers de se rendre en France. Et le leader tricolore de l’événementiel, Comexposium (Salon de l’Agriculture, Salon de l’Étudiant, etc.), malgré le maintien de la centaine de salons programmés à la rentrée, affiche des chiffres inquiétants, entre une dette qui culmine à 580 millions d’euros cette année, la suppression de 135 postes (sur 550) et 75 % du chiffre d’affaires partis en fumée.
Affrontement stratégique
L’entreprise française, filiale de la Chambre de commerce et d’industrie de la région Paris-Ile-de-France (CCIP) et du fonds Crédit Agricole Assurances (CAA), a d’ailleurs mis en place une procédure de sauvegarde, lui permettant de geler ses dettes. Et ceci depuis 1 an – signe que les difficultés ne datent pas d’hier. Le 14 septembre dernier, Comexposium a même déposé, devant le tribunal de Nanterre (Hauts-de-Seine), de nouveaux plans de sauvegarde, attisant par là même un peu plus les tensions au sein du groupe, tiraillé entre deux visions stratégiques…
« Predica [filiale du CAA, ndlr] et la CCIP sont des actionnaires peu sophistiqués. Ils n’ont pas perçu l’effet domino qu’allait provoquer l’ouverture de la sauvegarde, témoignait un proche anonyme du dossier au magazine L’Agefi en avril dernier. La stratégie attentiste des actionnaires de Comexposium pourrait leur aliéner la confiance des créanciers, avec le risque pour le groupe de perdre à terme sa capacité à lever de nouveaux fonds ».
Officiellement, si le groupe est « confiant et fier de la dynamique retrouvée », il bruisse en interne que la guerre larvée entre les investisseurs, qui proposent d’injecter 175 millions d’euros et d’échanger 290 millions de dettes (soit 50 %) contre des titres, et les actionnaires, qui refusent pour l’instant toute entrée de capitaux, ne fait que renvoyer une mauvaise image de la société. Et pas seulement à l’extérieur. Les salariés, qui pâtissent d’un manque évident de communication de la part de la hiérarchie, ne savent pas à « quelle sauce » ils seront mangés – car ils se doutent, désormais, qu’il y aura des suppressions d’emplois si le groupe continue de préférer l’attente à la relance.
Un affrontement d’autant plus regrettable que, selon Philippe Pasquet, le patron de GL Events, la vie des salons et autres expositions reprend progressivement ses droits. Si les professionnels de l’événementiel sont soumis au respect de quelques règles sanitaires (port du masque, jauge limitée – qui sera bientôt levée -, passe sanitaire, etc.), « l’aspect sanitaire n’est plus un problème dans l’Hexagone » avec la vaccination de grande ampleur. « Le contrôle est une formalité à laquelle les gens vont s’habituer, comme aux mesures de sécurité Vigipirate ».