Quand l’industrie et la tech cherchent à féminiser leurs effectifs

Quand l’industrie et la tech cherchent à féminiser leurs effectifs

Selon une enquête PISA menée par l’OCDE, en 2018, sur les aspirations professionnelles des enfants de 41 pays, les métiers dont rêvent les petites filles et les petits garçons demeurent bien répartis en fonction du genre. Les femmes restent largement sous-représentées dans les métiers de l’industrie et de la tech. 

Information, informatique, physique, mathématique, ingénierie… dans

Aux États-Unis par exemple, en 2015, elles représentaient 57 % de la population active, mais seulement 25 % des informaticiens. « Les femmes sont plus susceptibles que les hommes de quitter le secteur des technologies », affirme l’agence onusienne. Les raisons avancées ? Bien connues, malheureusement : les conditions de travail, la difficulté d’accès aux postes à responsabilité, et la sempiternelle « impression d’être ‘‘bloquées dans l’avancement de leur carrière’’ », poursuit l’étude.

Dans l’Union européenne (UE), tandis que plus de la moitié des hommes diplômés dans les technologies de l’information trouve un emploi dans le numérique, le ratio dégringole à un quart à peine pour les femmes. Le comble, d’après l’UNESCO, étant donné qu’il y a actuellement une « forte pénurie de personnel doté des compétences nécessaires pour faire avancer l’industrie 4.0 »… 

Biais de genre dans l’industrie

Plus nombreuses que les hommes à intégrer un cycle d’études supérieures, les femmes, en France notamment, demeurent sous-représentées dans les filières scientifiques et techniques. Notamment parce qu’elles sont très peu à (oser) postuler, en raison des « biais de genre » qui continuent d’exister, et qui font par exemple qu’il y a seulement 26 % de femmes en écoles d’ingénieurs.

« Dès leur plus jeune âge, les jeunes filles intègrent les stéréotypes et finissent par croire qu’elles sont moins douées en maths que les garçons », avancent Catherine Mangin et Christelle Rebière, directrice adjointe de l’information de RTL et présentatrice de RTL Midi, dans un podcast sur la place des femmes dans la tech. « S’installe petit à petit dans la tête des filles l’idée que ces métiers ne sont pas pour elles », explique de son côté Bénédicte Javelot, ingénieure et directrice d’Orange Wholesale France, qu’elles ont interrogée.

Pour lutter contre les « stéréotypes », qui n’aident d’ailleurs pas à la performance économique et sociale des entreprises, si l’on en croit plusieurs études, certains groupes tricolores réfléchissent à la manière dont ils pourraient attirer dans leurs rangs davantage de femmes. Chez EDF, par exemple, on a fait le pari de la vidéo YouTube, et demandé à l’influenceuse Clara Marz de faire découvrir à ses quelque 921 000 abonné.e.s (dont beaucoup d’élèves et d’étudiant.e.s) les métiers de deux de ses salariées, par ailleurs marraines de l’association « Elles bougent ».

Portrait succinct, parcours, formation, centres d’intérêt… Amélie Barreau, cheffe de service déléguée dans un service de maintenance de centrale nucléaire, et Priscilla Lucet, ingénieure conception d’installations et gestion de projet, ont ainsi été passées au crible par la jeune femme, et invitées à expliquer ce qui les avait conduites à entreprendre un métier que la tradition – encore tenace aujourd’hui – veut associer à la masculinité. Pour elles, au contraire, aucun métier d’hommes – ou de femmes – : seulement des passions.

Quotas

L’an dernier, l’énergéticien avait déjà lancé une campagne d’ « open innovation » (intitulée « Co-développons l’industrie au féminin »), afin de mieux faire connaître – et mieux valoriser- les métiers techniques auprès des publics féminins. Objectif : collecter les idées, non seulement en interne, parmi les salarié.e.s du groupe, mais également celles du grand public, pour mettre en place des « plans d’action concrets »A l’arrivée plus de 800 idées ont été émises et le Groupe a identifié de nombreuses actions à mettre en place pour continuer à développer l’attractivité du secteur de l’énergie et susciter des vocations comme : mieux adapter les annonces de recrutement à un public féminin, intensifier les témoignages de femmes dans les métiers techniques, faire plus de pédagogie auprès des collégiennes et lycéennes, etc.

Pour Christophe Carval, DRH du groupe EDF, « Grâce aux différentes actions de sensibilisation menées par le Groupe, 21% des femmes chez EDF SA travaillent dans les métiers techniques. Chaque effort compte au quotidien pour diversifier les parcours professionnels et, in fine, accroître la richesse des points de vue, quels que soient les niveaux dans l’entreprise ».

Également confronté à la nécessité de féminiser ses métiers de la data, de l’IA, de la cyber sécurité ou encore du cloud, Orange a déployé un appel à projets en France qui s’étend en 2021 dans différents pays à l’international. Les associations, ONG, entreprises, centres de formation et autres start-up sont invités à y répondre. Les idées qui émergeront et qui seront retenues seront financées par le Groupe, et viseront à faire connaître les métiers techniques auprès des étudiantes, à reconvertir des femmes dans ces filières à forte employabilité et à fidéliser les professionnelles du secteur. 

Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Selon une enquête PISA menée par l’OCDE, en 2018, sur les aspirations professionnelles des enfants de 41 pays, les métiers dont rêvent les petites filles et les petits garçons demeurent bien répartis en fonction du genre. Et il n’y a eu, surtout, aucune évolution notable en 20 ans. C’est bien qu’il existe un « frein culturel », comme le reconnaît Gérald Karsenti, patron de SAP France, qui prône la mise en avant de « role models » féminins, notamment dans la culture du divertissement, pour décloisonner les cerveaux. 

Car une chose est sûre : tout ne peut se passer à l’intérieur de l’entreprise exclusivement. « Féminiser les instances de direction ne sera certainement pas l’affaire d’un jour, mais elle est sans conteste l’affaire de tous », estime à ce titre Pierre Verzat, président de Syntec-Ingénierie. Quitte à demander au pouvoir politique de mettre en place des quotas – une mesure plus que d’actualité, selon la ministre française de l’Industrie elle-même.