Travailleurs détachés : la France serre la bride
Paris souhaite sévir sur le dossier des travailleurs détachés, un système permettant à un employé travaillant dans un État membre de l’UE d’être détaché pour aller travailler dans un autre État membre. Et cela, afin de mettre fin à de nombreuses dérives aussi bien sociales que fiscales.
Ces irrégularités sont en effet légion témoigne auprès du Figaro Rémi Bourgeot, économiste et chercheur associé à l’institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) :
Par exemple sur la question de la rémunération, bien que les charges soient payées dans le pays d’origine où est installée l’entreprise, les salariés détachés sont censés être payés non seulement au salaire minimum mais désormais selon les ‘standards’ en vigueur sur le lieu de travail plus précisément. Mais l’employeur peut contourner cela en les faisant travailler deux fois plus. Il faut pouvoir vérifier effectivement la durée du travail qui n’est souvent pas très transparente. De plus les revendications des salariés sont limitées. Imaginons un ouvrier roumain payé au SMIC qui vient pour une mission de 10 mois. Il va regarder l’argent qu’il met de côté pendant une période limitée. Le système tourne avec des gens qui changent: ça fait une pression sur les secteurs concernés et ça fait pression à la baisse sur les salaires.
Il est donc logique que la France serre la bride face à cette novation sociale devenue particulièrement opaque. Un dispositif de 16 nouvelles mesures censées renforcer les contrôles ont ainsi été présentées lundi par la ministre du Travail, Muriel Pénicaud.
Concrètement, relaie RFI. « le gouvernement adoptera le 7 mars en Conseil des ministres une ordonnance modifiant le montant des amendes qui passeront de 2 000 à 3 000 euros par salariés détachés illégalement et de 4 000 à 6 000 euros si récidive ».
Mais ce n’est pas tout puisque « l’exécutif publiera systématiquement le nom de toutes les entreprises qui auront été condamnées pénalement pour travail illégal afin d’entacher leurs réputations (…) Quant aux inspecteurs du travail, leurs pouvoirs d’enquête seront élargis. Ils pourront accéder à davantage d’informations auprès des différentes administrations ou organismes sociaux ».
Du côté préfectoral, les possibilités d’action seront également bétonnées car « les préfets pourront infliger des sanctions lourdes allant jusqu’à l’interruption de l’activité d’une entreprise, voir sa fermeture », poursuit le média.
L’ensemble sera bien sûr largement coordonné par une collaboration décuplée « entre les services de police, les douanes, la gendarmerie l’inspection du travail, l’Urssaf ou encore les services fiscaux ».
Enfin, il est important de noter que des secteurs particulièrement touchés par le phénomène comme le bâtiment, les transports, l’hôtellerie ou l’agriculture feront l’objet d’une surveillance accrue de l’ordre de 50%. Sachant que le nombre de contrôles toutes branches confondues atteindra 1500 cette année, contre 1000 en 2017.
Mathieu Portogallo