En Afrique subsaharienne, la Côte d’Ivoire tire vers le haut la croissance
C’est une bonne nouvelle pour le continent africain : la croissance en 2017 devrait connaître un rebond. C’est ce qui ressort en substance des conclusions de la 15e édition du rapport semestriel de la Banque Mondiale (BM) « Africa’s Pulse », qui analyse les perspectives économiques du Continent. Cependant, cette perspective annuelle ne doit pas masquer les nombreux défis qui restent à relever, au premier rang desquels le développement de l’agriculture et la maîtrise de la dette. En la matière, l’Afrique pourrait gagner à s’inspirer de ses bons élèves, Côte d’Ivoire en tête, pays dont le taux de croissance ces dernières années flirte avec les deux chiffres.
Un rebond économique qui appelle à la prudence
Selon l’analyse de la BM, « la croissance économique en Afrique subsaharienne est en train de rebondir en 2017, après avoir enregistré en 2016 son niveau le plus bas depuis plus de deux décennies ». Elle devrait atteindre 2,6 % cette année. Quant à la croissance globale du continent, elle devrait passer à 3,2 % en 2018, puis 3,5 % en 2019. Ce sont peu ou prou les mêmes chiffres avancés par le FMI (3,5% de croissance en 2018). Jeune Afrique souligne que le rebond en 2017 est dû « à une production pétrolière nigériane en hausse, à la fin de la sécheresse en Afrique australe, à une poussée des dépenses publiques en Angola pour cause d’élections et à une reprise des cours mondiaux des produits de base. »
Sept pays (Côte d’Ivoire, Éthiopie, Kenya, Mali, Rwanda, Sénégal et Tanzanie) continuent de montrer une forte résilience économique. Ces pays, qui concentrent à eux seuls un peu plus du quart de la population de la région, ont affiché des taux de croissance annuels supérieurs à 5,4 % entre 2015 et 2017. La Côte d’Ivoire et le Sénégal figurent même parmi les économies les plus performantes du continent (le Sénégal n’est pas cité dans les 7).
Mais le rapport de la BM appelle aussi à la prudence, l’Afrique devant encore faire face à des défis importants. Pour Albert Zeufack, économiste en chef de la BM pour la région subsaharienne, « cette reprise reste néanmoins faible et la croissance économique ne devrait se situer que légèrement au-dessus de la croissance démographique, soit un rythme qui entrave les efforts en faveur de la réduction de la pauvreté ».
Des réformes nécessaires
Le spécialiste souligne également « les risques liés aux durcissements des conditions de financements sur les marchés mondiaux, à la montée du protectionnisme à l’international et aux menaces de sécurité et d’instabilité politique ».
Face à ces risques, la BM prône la poursuite des réformes qui permettront de générer de l’électricité à moindre coût pour les populations, la promotion des mesures favorisant l’investissement privé et la remobilisation des ressources domestiques en faveur de la protection des plus pauvres.
La Banque Mondiale estime également que la création d’un environnement macroéconomique stable ainsi que des emplois plus productifs et de meilleure qualité sont indispensables à la lutte contre la pauvreté sur le continent. Favoriser le développement au sens global tout en maîtrisant la dette, voilà plus précisément l’enjeu principal auquel est confrontée la région.
Des préoccupations auxquelles reste très attentif le gouvernement de Côte d’Ivoire, qui organisait en avril dernier un séminaire sur la dette intérieure.
Un représentant du ministre du Budget, Cissé Abdoul Kader, a précisé que la dette ordonnancée au Trésor a été entièrement apurée de 2000 à 2010. Quant à la dette extérieure de la Côte d’Ivoire, elle a fortement baissé ces dernières années, passant de 93,25 % en 2011, à 34,66 % en 2015. En 2016, la Direction de la dette publique se félicitait du fait que la Côte d’Ivoire avait « honoré tous ses engagements au titre du service de la dette extérieure », aucun arriéré n’étant ainsi à signaler.
Le recours au marché des capitaux : « une alternative » au financement
Lors de la cérémonie de clôture du séminaire, le président ivoirien a insisté sur la nécessité d’optimiser la collecte des ressources fiscales, d’améliorer les interventions ivoiriennes sur le marché monétaire sous-régional et de mobiliser davantage les appuis des partenaires techniques et financiers (PTF). Et d’ajouter : « Le recours au marché des capitaux constitue également une alternative que nous devons utiliser, en veillant à la soutenabilité de la dette ». Ce séminaire a permis de passer en revue les actions prioritaires 2017-2020 et de rappeler l’importance que le gouvernement accorde à l’amélioration du potentiel de financement du pays afin de « répondre aux besoins des Ivoiriens, tout en favorisant une croissance économique forte et plus inclusive ».
L’Agriculture en Afrique : un impératif de développement
L’autre point important du rapport « Africa’s pulse » concerne l’agriculture. À plus long terme, selon la Banque Mondiale, l’Afrique subsaharienne « doit absolument booster sa productivité agricole pour transformer son économie. » C’est ce que rappelle d’ailleurs Punam Chuhan-Pole, économiste de la Banque mondiale pour l’Afrique, pour qui « il est impératif d’améliorer la productivité des petits exploitants agricoles pour augmenter les revenus des populations rurales ». L’objectif étant de réduire, in fine, la pauvreté en Afrique subsaharienne.
Cette lutte ne réussira que si les pays de la région en difficulté investissent, notamment dans les biens publics (infrastructures), les nouvelles technologies et la recherche agronomique. La question de l’urbanisation ne doit pas non plus être écartée. De fait, « Africa’s Pulse » souligne qu’une urbanisation bien gérée peut représenter une « nouvelle source de croissance et de diversification pour les économies africaines ». Une urbanisation maitrisée permettrait d’offrir directement plusieurs débouchés au secteur agricole : notamment en « fournissant un marché pour la vente de produits agricoles » et en « finançant davantage la transformation de ce secteur ainsi que la commercialisation de ses produits ».
La situation économique de l’Afrique subsaharienne est assez contrastée : entre d’un côté des pays qui maintiennent une bonne dynamique de croissance – en Afrique de l’Est (Ethiopie) et en Afrique de l’Ouest (Sénégal), et de l’autre des pays à la traîne (République du Congo et Soudan du Sud). Mais comme le souligne la Banque Mondiale, la conjoncture internationale est encore globalement « défavorable », du fait des cours mondiaux volatiles, des conditions internationales de financement « plus difficiles » et des « incertitudes » en matière de sécurité. Pour sortir de cette spirale infernale, certains pays pourraient par exemple s’inspirer des réformes politiques et économiques entreprises en Côte d’Ivoire depuis 2011, qui lui ont permis de renouer avec des niveaux de croissance qu’elle n’avait plus connue depuis les années 1970 (entre 8 et 10% entre 2012 et 2015).