Nucléaire : l’innovation au cœur de la reconquête ?
Depuis plusieurs années, l’atome a mauvaise presse en France. A l’heure du numérique et de l’open innovation, la filière nucléaire parvient-elle à se saisir des nouvelles opportunités qui s’offrent à elle pour redorer son blason et répondre aux défis énergétiques de demain?
Impossible d’y échapper en arpentant les allées des « Electric days » organisés par le groupe EDF à Paris les 24 et 25 janvier derniers : des systèmes intelligents au développement des énergies renouvelables en passant par la smart home, l’innovation et l’open innovation sont au cœur de la stratégie de l’énergéticien français.
L’open innovation ? Cela consiste, pour une entreprise, à s’appuyer sur des forces extérieures pour gagner en efficacité ou pour mieux valoriser les efforts d’innovation fournis en interne.
Le nucléaire à l’heure de l’open innovation
Souffrant d’une image d’industrie fermée, sclérosée ou encore passéiste, la filière nucléaire semble vouloir s’inscrire dans cet effort d’innovation. Au sein de la filière, de nouveaux projets voient le jour, de nouvelles façons de travailler se développent. Concrètement, pour l’exploitant du parc nucléaire français EDF, cet effort passe par l’expertise des métiers du groupe, mais également par l’écosystème de start-ups et d’entreprises innovantes que ce dernier entraine depuis peu dans son sillage. Constructions de nouveaux réacteurs, maintenance ou démantèlement des installations : de nombreuses jeunes pousses travaillent, depuis plusieurs années aux côtés du groupe. C’est par exemple le cas de l’entreprise Key Nuclear, qui propose un système de mesure de chaleur des déchets nucléaires, ou de Perazio Engineering, spécialisée en mesure 3D dans les milieux confinés, à l’image de ceux que l’on retrouve dans les centrales. Grâce aux solutions novatrices proposées par ces start-up, le secteur anticipe les opérations de maintenance et renforce la sécurité de ses sites comme de son personnel.
Des Fab labs pour stimuler l’intelligence collective
Si les grands groupes s’ouvrent et s’enrichissent de collaborations techniques et novatrices extérieures, ils ne négligent pas pour autant de stimuler, en interne, leurs ingénieurs, chercheurs, étudiants et salariés. Hackathons, séminaires dédiés, laboratoires d’innovation, aucune solution de stimulation de l’intelligence collective n’est négligée par les grands groupes dont l’objectif est de réunir toutes les compétences à disposition pour imaginer des solutions à des problèmes posés. C’est ce qu’entreprend EDF à travers son Fab lab I2R (Incubateur d’innovation de rupture), un laboratoire d’intelligence collective basé en Seine-et-Marne où sont mobilisés certains salariés des jours voire des semaines durant dans une atmosphère d’émulation collective. Un format qui semble payer : pour l’année 2014, I2R a été à l’origine de l’initiation et de l’accélération de plus de trente projets.
Le nucléaire, une énergie verte ?
Au cœur de efforts d’innovation entrepris par la filière nucléaire, les enjeux environnementaux. Car pour les énergéticiens français, l’un des enjeux majeurs de la transition énergétique est de garantir une coexistence performante des moyens de production traditionnels et du développement des énergies renouvelables afin, in fine, d’intensifier les efforts de lutte contre le réchauffement climatique. A ce titre, le nucléaire représente un véritable recours car non seulement il n’émet ni CO2, ni particules fines, mais sa flexibilité lui donne la possibilité de s’effacer pour permettre la production renouvelable an cas de forte production ou inversement d’être mobilisé en cas de chute de production éolienne ou solaire.
L’image du nucléaire en cause
Problème : malgré son caractère bas carbone et sa prépondérance dans le mix énergétique tricolore, le nucléaire peine à se faire une place au cœur de la transition énergétique. Beaucoup reprochent notamment à l’atome de freiner le déploiement des énergies renouvelables. C’est pourtant cette complémentarité qu’illustre la récente création par l’entrepreneur américain Bill Gates d’un fonds dévolu aux énergies propres. Fonds à travers lequel il souhaite, entre autres, financer le développement de Terra Power, start-up spécialisée dans le nucléaire. L’entreprise américaine développe en effet, depuis 2014, un nouveau type de réacteur (4e génération) sensé consommer moins d’uranium et qui permettrait de réduire les quantités de déchets nucléaires. Un projet financé à hauteur de 2 milliards de dollars par le fonds crée par le co-fondateur de Microsoft et qui n’a rencontré aucune opposition.
Ce n’est donc pas le nucléaire qui pose question, mais bien l’image qui en est véhiculée, celle d’une énergie archaïque et peu sûre, incapable de se moderniser et d’épouser les enjeux de la transition énergétique. L’innovation, les nouvelles technologies, le numérique, tant de facteurs qui pénètrent toutes les filières industrielles et que ces dernières doivent intégrer pour pour rester compétitives. La filière nucléaire ne fait pas exception et s’applique à intégrer toutes les potentialités qu’offrent ces nouveaux facteurs afin de conserver sa place au sein d’un mix énergétique efficace au service des énergies renouvelables. A elle de poursuivre ses efforts pour rester partie prenante de la transition énergétique en marche.
Crédits photo : @EDF – SOUVANT GUILLAUME