Loi sur le renseignement : les risques possibles du projet de surveillance
Le débat sur le projet de loi sur le renseignement débutera à partir de lundi à l’Assemblée. Il provoque déjà quelques quiétudes et controverses. En tout cas, ses opposants évoquent déjà quatre points importants.
Les écoutes et les interceptions
Les Imsi-Catchers font parties des points les plus controversés. Ces appareils ont la capacité d’imiter le fonctionnement d’une antenne-relais, et ainsi capter les données des personnes portables, leurs données de connexion et d’écouter les conversations.
La commission des lois a favorisé l’emploi des appareils en contraignant les agents à tracer leur utilisation. Cependant, ces appareils ont une très large portée et sont capables d’intercepter également les téléphones qui sont situés dans leurs périmètres, même si ceux-ci ne sont pas concernés par l’enquête. Jean-Marie Delarue, président de la Commission nationale des interceptions de sécurité (CNCIS) a blâmé le projet de loir et prévient le risque d’une « pêche au chalut » en utilisant ce technique.
« Ces appareils représentent une vraie avancée pour les enquêteurs », déclare Céline Berthon, la secrétaire générale adjointe du principal syndicat des commissaires de police (SNCP). « Il y a un mythe derrière tout ça, comme si les services de renseignement avaient le temps de s’intéresser à toutes les autres conversations privées captées autres que celles intéressant l’enquête. »
La place du renseignement pénitentiaire
La ministre de la Justice Christiane Taubira s’est montrée réticente pendant les débats en commission concernant les agents du renseignement pénitentiaire qui devraient être inclus dans la communauté du renseignement. Elle estime que récolter et traiter des renseignements avec de nouvelles techniques destinées aux autres servies en sonorisant des cellules par exemple, « ce n’est pas le métier» des agents de renseignements pénitentiaire. Elle pense que cela transformerait le ministère de la Justice en un « demi-ministère de l’Intérieur supplémentaire».
Malgré les critiques, la commission des Lois a permis que le gouvernement puisse avec un décret intégrer le renseignement pénitentiaire dans la communauté de renseignement. C’est une question assez sensible vu que si le renseignement pénitentiaire « n’entre pas dans le périmètre traditionnel du renseignement, l’enjeu demeure de récupérer des données intéressantes» selon une source proche des services.
Les professions réglementées
Les représentants de plusieurs réglementées ont également affiché leurs quiétudes, et demandent des amendements protecteurs. « Aucun garde-fou n’est prévu pour protéger les journalistes» a affirmé Christophe Deloire, le secrétaire général des Reporters sans frontières « RSF demande que le texte garantisse aux journalistes de pouvoir travailler sans être surveillés».
L’ordre des avocats de Paris a également montré « ses inquiétudes face à un texte lacunaire réalisé sans aucune concertation préalable de monde judiciaire. L’ordre s’associe à la Cnil concernant son inquiétude face à l’absence de protection des médecins, journalistes et avocats dont les données confidentielles pourraient être désormais librement collectées». Le Syndicat de la magistrature a estimé que « ce projet de loi installe un dispositif pérenne de contrôle occulte des citoyens dont il confie au pouvoir exécutif un usage quasi illimité». Un amendement a été quand même voté afin de mettre en place une procédure d’urgence permettant de délivrer rapidement des autorisations de placement sous surveillance et que cela ne s’appliquera pas aux journalistes, des avocats, et des parlementaires.
La surveillance d’internet
Les fournisseurs d’accès ainsi que les associations d’usagers n’ont pas caché non plus exprimé leur inquiétude concernant les dispositifs de contrôles prévus dans le projet. Ils ne sont pas d’accord surtout sur le dispositif d’analyses automatiques des données qui devrait selon le projet de loi, à « révéler une menace terroriste» que ses opposants ont qualifiée de « boite noire».
L’Association française des éditeurs de logiciels et solution Internet (AFDEL), rassemblant les éditeurs et les sociétés internet, pense que « la mise en œuvre envisagée des dispositifs évoqués dans le projet de loi demeure particulièrement floue» et « crainte que cette loi, qui s’inscrit dans un cadre extrajudiciaire, ne vienne porter atteinte à la confiance dans les technologies et solutions numériques et donc à la compétitivité et à l’attractivité françaises». Des gros hébergeurs ont même menacé de délocaliser leurs sociétés pour ne pas y faire face.
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