Le nucléaire reste la solution la moins chère ?
Le projet de loi sur la transition énergétique vient d’être dévoilé, alors que les professionnels attendent depuis plus de deux ans les orientations retenues pour le secteur. L’industrie nucléaire française n’est toutefois pas totalement fixée sur l’avenir de ses métiers et sur l’évolution de ses capacités de production. En effet, lors de la présentation, la ministre Ségolène Royal réaffirmait son attachement au parc nucléaire en soulignant les objectifs de François Hollande. Toutefois, si le critère d’ancienneté des installations ne semble plus devoir jouer un rôle déterminant dans la décision gouvernementale, la compétitivité industrielle du pays risque de ne pas être épargnée pour autant…
Le vieillissement des installations, un critère peu pertinent ?
Au cours des visites décennales, l’Autorité de Sûreté Nucléaire, et son président Pierre-Franck Chevet rappellent que « le dossier du post quarante ans n’en est qu’à son début ». Ainsi, l’ASN a tout de même continué d’attribuer des autorisations aux centrales auditées; d’ailleurs chez nos voisins américains, bon nombre des unités de production ont été prolongées jusqu’à 60 ans d’exploitation. François Lévêque, professeur à Mines Paris Tech explique simplement : « l’âge des équipements, par exemple, est un critère peu pertinent pour classer les réacteurs selon leur dangerosité ».
Outre les problèmes de sûreté évoqués par les opposants à l’atome, la question du renchérissement des centrales dû à leur âge a également été écartée par les études de la commission d’enquête sur le nucléaire. Si les prix de l’électricité augmentent et qu’une commission spécialisée va être instaurée à la demande de François Brottes, la hausse des prix du nucléaire s’explique principalement par la généralisation des nouvelles normes de sûreté. Parmi celles-ci, on compte la création du « diesel d’urgence de secours ultime (DUS) pour maintenir l’électricité dans la centrale quelle que soit la nature de l’accident ; de la force d’intervention rapide mobilisable sur site sous 24 heures ; et des piscines supplémentaires de refroidissement des réacteurs ».
Les chiffres de l’énergie nucléaire et la compétitivité industrielle
Plusieurs ministres de l’énergie auront donc été les artisans du débat, après Nicole Bricq, Delphine Batho, et Philippe Martin, c’est au tour de Ségolène Royal de planter son projet de transition énergétique. Aura-t-elle les moyens de le mener à son terme ? Derrière cette préoccupation de personne, il s’agit en fait d’un sujet de compétitivité industrielle. A l’Assemblée Nationale la responsable politique affirmait sans détours : « le corollaire de cette vision, c’est que la montée en puissance parallèle, ambitieuse des énergies renouvelables devra s’accompagner d’une évolution de la place de l’énergie nucléaire ». Derrière cette position dogmatique, issue du contrat de gouvernement passé à la veille de la présidentielle par l’ancienne coalition gouvernementale PS EELV, le sort de notre compétitivité énergétique et industrielle semble passer par pertes et profits…
Pourtant, au Figaro on se veut résolument optimiste en citant une source proche du dossier : « l’environnement politique a changé: les Verts ne sont plus au gouvernement et les pouvoirs publics ont bien pris conscience des problèmes de compétitivité induits par un recul trop brutal du nucléaire ». Au ministère, le directeur de l’énergie Pierre-Marie Abadie souligne d’ailleurs que même en renforçant les investissements nucléaires, « on resterait dans les 50-60 [euros du mégawatt-heure, NDLR], loin de l’univers des 80-100 euros que coûterait tout nouveau mix ». En effet, de son côté, l’expert Jean-Marc Jancovici rappelait sur les ondes de France Info à la suite du rapport de la Cour des Comptes de mai dernier: « pour se passer de 8 réacteurs nucléaires dont le coût de reconstruction à neuf est de l’ordre de 30 milliards d’euros, l’Allemagne a dépensé 300 milliards (…) [pour assurer le passage] du nucléaire aux énergies renouvelables électriques intermittentes il faut multiplier les investissements par un facteur de 20 à 40 selon vos choix ».