Taxe sur les transactions financières : destructrice d’emplois ?
Comme l’on pouvait s’y attendre, les chiffres du chômage en France pour le mois de février font toujours grise mine. On compte 31 500 nouveaux inscrits à Pôle emploi ce qui porte à 3,34 millions le nombre de demandeurs d’emploi. Le ministère du Travail va bientôt bien mal porter son nom. Certains pays membres de l’Union européenne avancent péniblement sur la mise en œuvre d’une taxe sur les transactions financières qui, sous couvert de moraliser le secteur financier, risque d’affaiblir encore davantage la compétitivité des entreprises et porter un coup dur au marché de l’emploi.
L’emploi, le pouvoir d’achat et la croissance sont les trois priorités des Français d’après un sondage Harris Interactive. Or, depuis le début de la crise, aucune solution n’a été trouvée, et les populations commencent à manifester leur impatience. Les solutions proposées par la classe politique ne satisfont pas les Français qui ont encore exprimé leur colère dans les urnes lors des récentes élections municipales. Bouc émissaire facile, quoi de plus simple que de faire porter le chapeau au monde la finance ?
Comment le punir ? En 2010, la Commission européenne émet l’idée de mettre en place au niveau européen une taxe sur les transactions financières, inspirée des travaux de James Tobin, prix Nobel d’économie. Sur le papier, elle a tout pour plaire. Outre la moralisation du secteur financier et l’allocation des recettes au développement durable et à la lutte contre le changement climatique, elle réorientera la finance vers le financement des entreprises et l’économie réelle.
C’est du moins ainsi que la présentent ses partisans. Les Européens n’y voient aucun inconvénient, au contraire, ils trouvent même pour 80 % d’entre eux que c’est une bonne trouvaille. Seulement depuis 2010, les négociations patinent et à ce jour, seuls 11 pays ont adopté le principe de la TTF, sans se mettre d’accord sur son périmètre d’application ; or c’est là que le bât blesse. Le 19 février 2014, le sommet franco-allemand spécialement dédié à la question a relancé le débat. Car cette taxe ne met pas tout le monde d’accord.
La France a déjà adopté en août 2012, sa propre taxe portant sur les achats d’actions d’entreprises dont le siège social est en France et dont la capitalisation boursière est supérieure à un milliard d’euros. Le taux de prélèvement a été fixé à 0,2 % du montant des transactions. À l’échelle de l’Europe, elle sera différente : elle portera sur les transactions sur actions et obligations à hauteur de 0,1 %, et les produits dérivés à hauteur de 0,01 %.
Rien ne dit que ce projet atteigne son objectif. Dans le passé en Suède et au Japon, le recours à cet impôt n’a pas eu les effets escomptés en France, le rendement de la taxe actuelle est jugé décevant. Au lieu des 1,6 milliard d’euros attendus, il n’a rapporté que 600 millions. Sacré rabais. La faute à la migration des investisseurs, qui, en cherchant à contourner ces nouveaux coûts financiers, se sont tournés vers les marchés financiers non taxés.
« Par peur de cette taxe nouvelle et complexe, beaucoup d’investisseurs étrangers ont préféré ne plus traiter les grandes actions françaises ou se tourner vers des produits dérivés, qui répliquent le produit réel, sans être soumis à la TTF. Un comble pour une taxe censée décourager la spéculation », a déploré Bertrand Saint Mars, délégué général adjoint de l’Association française des marchés financiers.
En outre, du fait de la hausse des coûts de transactions et donc d’une baisse des liquidités sur les marchés monétaires et financiers, les entreprises auront plus de mal à se financer. Ce qui signifie qu’à terme, il y a fort à parier que le gel des échanges de capitaux affecte considérablement la production. La Commission européenne estime que le PIB pourrait baisser de 0,28 % tandis qu’Oxera porte cette diminution à – 2,42 %. Quoi qu’il en soit, les recettes attendues de la taxe ne compenseront pas son impact sur le PIB.
Si l’on devait résumer brièvement, non seulement les recettes théoriques de la taxe ont de grandes chances d’être surestimées, mais elle pourrait bien in fine entraver la production des entreprises et le PIB des pays concernés. Tout cela sans punir les spéculateurs qui auront trouvé le moyen de lui échapper. L’Europe n’a guère besoin de se voir mettre des bâtons dans les roues alors qu’elle n’est toujours pas sortie de la crise. Il semblerait préférable de réorienter l’énergie consacrée à sanctionner les traders vers des solutions véritablement efficaces.