Rachat de SFR par Numericable : le patriotisme économique à géométrie variable du gouvernement
L’ingérence de l’Etat dans le rachat de SFR par Numericable ne laisse pas de surprendre. Tour à tour, Arnaud Montebourg et Fleur Pellerin se relaient à la tribune pour protester contre l’offre faite par le leader français de la fibre optique. Principale raison à ça : Numericable est une entreprise basée au Luxembourg, cotée à Amsterdam et dont le PDG, Patrick Drahi, réside à Genève. Une dimension « éclatée » qui semble déranger en haut lieu. Le gouvernement fait pourtant preuve, dans cette affaire, d’un patriotisme économique pur jus qui n’a pas toujours été sien. Loin s’en faut.
Personne n’a oublié l’apparition, toute marinière Armor Lux dehors, du ministre du Redressement productif sur la couverture du Parisien Magazine, en octobre 2012. Arnaud Montebourg s’était alors lancé dans la promotion du « made in France ». Une politique qu’il n’a jamais vraiment démentie, même si elle a depuis été largement revisitée.
Il y a quelques semaines, François Hollande et une tripotée de membres du gouvernement ont ainsi allègrement vanté les mérites de la « Start-up République »(sic), et de la « French Tech » auprès d’investisseurs américains. Objectif avoué et assumé de la manoeuvre : inciter ces acteurs à perfuser des fonds en France, à venir s’implanter, à apporter leur pierre à l’édifice chancelant de l’économie hexagonale. Une façon de rattraper le coup après le fiasco du rachat de Dailymotion par Yahoo, et de l’installation d’un centre de recherche dans le sud de la France. « Made in France », oui, mais pourquoi pas avec des capitaux étrangers.
Ce retournement de veste était plutôt malin. Il aurait été encore plus malin de lui donner une consistance factuelle. En tombant à bras raccourcis sur Numericable, au motif que la filiale d’Atlice n’a pas grand chose de « pure souche », le message envoyé par le gouvernement aux investisseurs étrangers est extrêmement négatif.
D’autant que la charge du combo Pellerin/Montebourg est de mauvaise foi. Comme le note L’Opinion, Numericable n’est pas la seule entreprise sise à l’étranger à employer en France. Quid de Peugeot, qui paye ses impôts à Bruxelles, de Hermès, dont le siège est à Genève ou encore de Mulliez (Auchan) résidant à Londres ? « Airbus, Air France, STMicro, Gemalto, Unibail ou encore le futur Publicis-Omnicom » sont quant à eux également cotés à Amsterdam, se défend Patrick Drahi, dirigeant d’Atlice, maison mère de Numericable, dans les colonnes des Echos.
Surtout, il n’est pas inutile de se rappeler que 60 % de Bouygues sont cotés en Bourse, et que les investisseurs à son capital sont en grande partie des fonds de pension anglo-saxons. Pas inutile, non plus, de noter que les principaux fournisseurs de Numericable (Alcatel, Sagemcom et Technicolor) sont bel et bien français, ou encore que le nouvel ensemble, de l’aveu même de Patrick Drahi, « aura son siège, son management, sa cotation et paiera ses impôts en France ».
L’Opinion, toujours, parle de « cabale » pour désigner le mouvement de dénigrement de l’offre de Numericable par une partie du gouvernement. Sans aller jusque là, on peut s’étonner de cette logique à deux vitesses, qui consiste à faire des appels du pied aux investisseurs étrangers, pour mieux les refouler lorsqu’ils arrivent.