Prédictions économiques pour 2014 : et si les économistes s’étaient un peu trop avancés ?
La Banque mondial a annoncé en début d’année une accélération de la croissance à hauteur de 3,2 % en 2014 contre 2,4 % en 2013, laissant espérer une embellie après toutes ces années de morosité économique. La tourmente des marchés financiers du début du mois de février couplée à la publication en série de rapports défavorables, portés par des dirigeants plus lucides à l’instar de la dirigeante de l’UNESCO Irina Bokova, aura rapidement mis fin à cet élan d’optimisme imprudent.
Le Fonds monétaire international annonçait début janvier une révision à la hausse de ses prévisions de croissance pour 2014 quand la Banque mondiale anticipait pour sa part une consolidation de la reprise aux États-Unis en Europe et au Japon et un renforcement de la croissance des pays émergents. L’année 2014 démarrait sous les meilleurs auspices. À moins que Christine Lagarde et Consorts aient pêché par excès d’optimisme… Ces effets d’annonce ont en effet été mis à mal par la récente chute des marchés d’actions à travers le monde.
Le rouble russe, le rand sud-africain, le livre turc plongeaient littéralement le mercredi 5 février et les économistes alarmés sont aujourd’hui bien forcés de reconsidérer leurs prédictions, craignant la contagion aux économies développées. Les premiers signes du ralentissement chinois et la fragilité économique des pays émergents, renforcée par une certaine instabilité politique pour certains, cristallisent les craintes de la Banque du Japon, de la Fed et de la BCE. Face au nouveau ralentissement de l’inflation en zone euro et aux craintes renouvelées de déflation, la Banque centrale européenne n’est pas aussi enthousiaste et se demande même si elle n’a pas intérêt à baisser son taux directeur…
La tempête des marchés financiers n’est pas la moindre des mauvaises nouvelles venues assombrir l’actualité économique mondiale. L’UNESCO vient de publier le 11e rapport de suivi sur l’éducation pour tous : « Enseigner et apprendre : Atteindre la qualité pour tous ». Selon cette étude, la crise mondiale de l’apprentissage coûte 129 milliards de dollars par an aux pouvoirs publics, sans que le niveau des élèves se traduise par une amélioration. Dans les pays pauvres, un quart des enfants ne sait pas lire une phrase. Dans les pays riches, seulement deux tiers des élèves issus de milieux défavorisés en sont capables. On imagine facilement les conséquences d’une éducation de cette qualité.
Quand les financiers s’affolent en voyant les valeurs spéculatives s’effondrer, Irina Bokova, à la tête de l’UNESCO, fait toujours montre du même pragmatisme, celui-là même qui lui a permis de maintenir l’organisme à flot ces dernières années en dépit des coups durs qui l’ont frappé. Elle n’a pas perdu de vue le rôle fondamental de l’éducation, pivot duquel dépend la créativité, l’innovation et la curiosité des nations : « Tout est question de connaissance (…) L’éducation devrait être une priorité de l’agenda politique international. La gouvernance mondiale ne peut pas être discutée et résolue sans intégrer l’éducation au débat », a-t-elle affirmé lors du Conseil économique et social des Nations Unies avant d’ajouter : « Les enseignants ont l’avenir de la présente génération entre leurs mains ».
Autre élément qui devrait refroidir les fièvres optimistes les plus brûlantes, le dernier rapport de la Commission européenne relatif à la corruption dans l’Union européenne. Aucun des 28 pays ne serait épargné et le montant de la facture s’élèverait à 120 milliards d’euros par an, soit 1 % du PNB. Le rapport estime que « les risques de corruption sont généralement plus élevés aux niveaux régional et local, où les garde-fous et les contrôles internes tendent à être moins stricts qu’au niveau central » et considère les marchés publics comme un secteur plus exposé. Des conclusions qui ne présagent rien de bon tant que les autorités n’auront pas saisi le problème à bras le corps.
Le possible essoufflement de la Chine, l’implosion des monnaies des pays émergents, la déflation du vieux continent sont autant de paramètres que l’économiste en chef de Saxo Banque Steen Jakobsen avait intégrés à ses prédictions économiques fin 2013. Croire en l’avenir, voilà qui n’a jamais fait de mal à personne, mais le surestimer comme l’ont fait le FMI et la Banque mondiale empêche l’application de politiques éclairées. Or 2014 doit mobiliser toute la lucidité de nos dirigeants nationaux et internationaux pour espérer connaître l’embellie tant attendue.
Crédits photo : Unesco