Le pacte de responsabilité pas encore édifié, déjà « ruiné » ?
Les négociations sont ouvertes. Officiellement. Lundi 27 janvier, Jean-Marc Ayrault a tranché le ruban du nouvel édifice économique voulu par François Hollande. Plus de retour en arrière possible. Le premier ministre a reçu tour à tour les organisations patronales et les syndicats à Matignon, pour les« écouter sur les annonces du président de la République », explique-t-on dans son entourage.
A rebours des arguments sur lesquels il s’est fait élire, Hollande, par le truchement de son pacte de responsabilité, souhaite privilégier une politique de l’offre. Qu’est-ce à dire ? Et bien que les cotisations familiales patronales devraient tomber dans les limbes. Soit 30 milliards d’euros d’économies pour les dirigeants d’ici 2017. Ce faisant, le Hollande nouveau favoriserait la compétitivité, lui qui s’était jusqu’à présent distingué par son zèle à cisailler au jarret les entreprises dans leur course au développement.
Ce revirement stratégique en milieu de mandat peut sembler suspect. Il fait en tout cas le bonheur des organisations patronales, qui n’en reviennent pas que baron du PS, après quarante années de vie politique, ait enfin découvert la Loi de Say et les vertus du reaganomics. Pierre Gattaz, président du Medef, a ainsi reconnu que le pacte de responsabilité allait « dans le bon sens », même s’il redoute un peu qu’il ne se « transforme en contraintes ». Même son de cloche pour la CGPME.
Les mots de François Hollande ont su flatter le patronat, qui attend toutefois de juger sur pièce avant de crier victoire. Il faut dire que si les promesses du président sont alléchantes, leur mise en pratique s’annonce confuse, pour ne pas dire improbable. Pour plusieurs raisons.
La première, la plus évidente, c’est celle du temps. Voilà des mois et des mois maintenant que l’opposition (mais pas que) essaie d’attirer l’attention de François Hollande sur le manque d’efficacité de sa politique fiscale. Des groupes sont même nés à l’Assemblée, à l’instar du GEEA d’Olivier Dassault, pour entrer en résistance contre son modèle économique, jugé suicidaire par à peu près tous les observateurs. Des ouvrages ont été publiés, comme le « Pour un Big-Bang économique, fiscal et culturel », plan d’urgence à l’usage du gouvernement, rédigé par les élus et entrepreneurs de GEEA, pour rester sur eux. Rien n’y a fait. Puis, d’un coup, si. Peut-être un peu tard… Il aura fallut attendre presque deux ans pour que François Hollande, touché par la grâce, transfiguré, n’annonce vouloir venir en aide aux entreprises à l’agonie. Pas sûr qu’il restera suffisamment de temps pour les rafistoler avant la fin de son mandat.
D’autant que les tractations avec les syndicats ne s’annoncent pas de tout repos. Ces derniers tiennent à obtenir des contreparties. La CGT a ainsi annoncé qu’elle « exigera des objectifs contraignants [qui] doivent être définis dans un cadre interprofessionnel clair et s’appuyer sur de nouveaux droits pour les salariés ». Quand Force ouvrière, de son côté, a tout bonnement rejeté en bloc le pacte, affirmant qu’elle ne le signerait pas. « Je ne suis pas en charge de l’intérêt général, je suis mandaté pour représenter les salariés », à lâché, lapidaire, Jean-Claude Mailly, son secrétaire général.
Difficile, dans ces conditions, d’imaginer que le pacte de responsabilité passe l’épreuve des négociations sans heurts, sans retouches. Si au moins un projet de financement viable venait lui servir d’ancrage, et lui permettre d’éviter de se faire emporter par la houle… Il n’en est rien. François Fillon déplore un « flou abyssal sur le financement », avant d’ajouter : « Il n’y aura rien de significatif au final ». Et de conclure « l’espoir initial du pacte de responsabilité est déjà ruiné par la mécanique qui se met en place ». Souhaitons qu’il ait tort. Souhaitons que le pacte en question ne soit pas un marché de dupe, que François Hollande aurait sorti de son chapeau pour donner le change.