L’Iran en crise manque de gages de bonne volonté à la veille des négociations avec l’ONU
Depuis son arrivée au pouvoir, Rohani doit gérer une crise sans précédent due aux sanctions formulées par les pays occidentaux pour mettre fin au programme nucléaire. La visite du ministre iranien des Affaires étrangères à Paris à la veille de la reprise des négociations à Genève n’était pas étrangère aux intérêts économiques de son pays. Mais le régime n’a pas que le dossier nucléaire à se faire pardonner.
L’Iran est l’objet d’un véritable embargo pétrolier et bancaire de la part des pays occidentaux qui veulent voir enterré le programme nucléaire supposé. Les premières sanctions ont émané de l’ONU en 2006 et ont été élargies à deux reprises. Elles prévoient notamment l’inspection de ses navires en haute mer ainsi que l’impossibilité pour le pays d’investir dans certaines activités sensibles comme les mines d’uranium.
Puis se sont ajoutées celles de l’Europe, le Conseil européen décidant de geler les fonds détenus ou contrôlés par des compagnies iraniennes sur le territoire de l’UE. En 2010, il s’agissait de soumettre tous les transferts de fonds de plus de 10 000 euros en provenance ou à destination d’une entité iranienne à des procédures d’autorisations. En 2012, nouveau durcissement : les transferts de fonds ont été tout bonnement interdits. En outre, les importations de gaz et de pétrole iranien ont elles aussi été interdites.
En juin 2013 le président des États-Unis Barack Obama signait l’ordre de mise en œuvre de nouvelles sanctions contre l’Iran. Elles visaient à dévaluer le rial en gelant les réserves de monnaies étrangères du régime iranien et souhaitaient également porter un coup au secteur automobile. Selon les spécialistes de la sanction, c’était une nouvelle étape de franchie contre le régime de Téhéran.
L’Iran accuse le coup, les Etats-Unis envisagent une « pause »
Une pluie de punitions qui ont eu leurs effets sur les entreprises et la population iranienne. Le constat de Michel Malinksy, chargé d’enseignement sur l’Iran à l’École supérieure de commerce et de management de Poitiers est sans appel : « Du fait des sanctions, de plus en plus d’entreprises ne peuvent plus ni importer ni exporter. Elles ne parviennent plus à payer leurs fournisseurs, voire leurs ouvriers. Elles ne licencient pas, parce que le gouvernement le leur interdit. » Le niveau de vie n’a eu de cesse de baisser du fait de la hausse des prix de la viande, des pénuries de médicaments ou encore de la lente dégradation des équipements hospitaliers.
Le 25 octobre, Wendy Sherman, la négociatrice américaine sur le programme iranien invitait le Congrès américain à se faire plus tendre et à stopper le renforcement des sanctions contre Téhéran, ceci afin d’améliorer le climat de négociation pour l’arrêt du programme nucléaire iranien. Une proposition que le Congrès a poliment écartée.
La France, difficile à amadouer
Un attendrissement que l’Iran aimerait voir se reproduire en Europe. C’est ce qui a en partie motivé sans doute la venue du ministre des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif à Paris le mardi 5 et le mercredi 6 novembre, la France étant considérée par Téhéran comme la plus dure dans le traitement du dossier iranien. Une visite qui n’est en rien due au hasard puisqu’elle se fait à la veille de la reprise des négociations à Genève, entre l’Iran et les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU.
C’est une visite qui, si elle se justifie parce que l’Iran veut sans doute tout tenter, a de quoi être penaude. Car outre le fait qu’aucune de ces sanctions n’a eu d’effet manifeste sur le programme nucléaire, Rohani a bien d’autres raisons de se faire taper sur les doigts depuis son entrée en fonction, notamment en matière des droits de l’Homme.
Massacre d’Achraf et élimination de 52 membres de l’opposition iranienne ; exécution de 300 personnes par le régime (selon les chiffres du Comité de soutien au droit de l’homme en Iran) depuis l’arrivée de Rohani au pouvoir ; et, plus récemment, de 16 prisonniers politiques à Zahedan sans aucune forme de procès, voilà autant d’entorses fondamentales aux droits humains qui ont sans doute eu du mal à faire croire aux autorités françaises à la bonne volonté des poignées de main échangées.