L’AMF : anatomie d’une Autorité aux missions toujours plus épineuses
La financiarisation croissante de l’économie et les scandales qui marquent régulièrement l’actualité font de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) une structure toujours plus visible aux yeux des Français. Exposition médiatique n’équivaut pourtant pas à une compréhension en profondeur des missions et pouvoirs dont dispose l’AMF. Arrêtons-nous sur cet acteur du système financier français devenu incontournable en l’espace de dix années.
Créée en 2003 afin de regrouper les activités du Conseil des Marchés Financiers, de la Commission des Opérations de Bourse et du Conseil de discipline de la gestion financière, l’AMF veille depuis dix ans au bon fonctionnement des marchés financiers qui brassent toujours plus de flux et d’argent.
Véritable gendarme de la bourse en France, l’AMF a le pouvoir d’infliger des amendes aux entreprises et aux individus qui ne respectent pas les règles qui doivent permettre aux marchés financiers d’être transparents. Ce pouvoir a d’ailleurs été beaucoup utilisé lors de l’exercice 2012 puisque ce ne sont pas moins de 18 millions d’euros d’amende qui ont été réclamés par l’Autorité des marchés Financiers. La sanction la plus lourde est à mettre à l’actif de Coudree Capital Management qui a dû s’acquitter de 2,5 millions d’euros d’amende pour avoir vendu des actions Natixis sans être en mesure de les livrer.
Les faits remontent à 2008 et illustrent le temps nécessaire pour démêler tous les fils d’une pelote boursico-financière qu’il est souvent bien difficile d’appréhender. Un temps de procédure qui peut se voir réduit fortement depuis 2012 avec la possibilité pour l’AMF de procéder à des transactions. Plus rapide, simple et efficace, cette procédure est une bonne chose pour une Autorité qui voit son travail s’accroître fortement depuis plusieurs années.
Cette procédure ne pourra pas bénéficier aux protagonistes de l’affaire Electricité etEaux de Madagascar (EEM) dont les derniers échos se font entendre dans la presse depuis quelques jours. L’affaire n’est pas simple, mais permet de comprendre le fonctionnement de l’Autorité des Marchés Financiers. Composé de 16 membres désignés pour un mandat de 5 ans par différentes autorités publiques, le Collège de l’AMF a en charge l’ensemble des missions de l’Autorité. Mais ce que craignent par-dessus tout les personnes physiques et morales amenées à rendre des comptes, c’est la Commission des sanctions.
Cette dernière vient d’entendre les dirigeants d’Electricité et Eaux de Madagascar mis en cause par le collège pour différents motifs. Les griefs ont été envoyés aux personnes soupçonnées d’avoir franchi la ligne jaune, lesquelles sont appelées à se défendre par écrit puis devant le Commission des sanctions lors d’une séance publique. C’est à l’occasion d’une de ces séances que Frédéric Doulcet, directeur délégué général d’EEM et François Gontier, président de la holding ont senti le vent tourner avec une somme totale de 830 000 euros réclamée par l’AMF pour mauvaise information financière, des franchissements de seuils non déclarés et l’absence de dépôt d’une offre publique obligatoire.
À la suite d’une audience publique, la Commission des sanctions délibère et rend son jugement dans les semaines qui suivent. Les douze membres de ladite Commission ont donc des pouvoirs importants qui permettent de freiner les ardeurs de ceux qui souhaitent manipuler les marchés financiers. Un pouvoir de plus en plus utilisé puisqu’on compte 80 ouvertures d’enquête par l’AMF en 2012 contre 74 l’année précédente.
Cet activisme est d’autant plus nécessaire que certaines personnes se refusent à comprendre la gravité de leurs actes. En effet, si l’on reprend l’affaire d’Electricité et Eaux de Madagascar, les deux dirigeants ont déjà été condamnés par la justice dans d’autres histoires financières. L’AMF doit se faire craindre pour remplir ses missions.