Mariage gay versus accord sur l’emploi: les Français ont-il le sens des priorités?
La France a rarement connu pire conjoncture. Alors qu’un accord clé sur l’emploi est en passe d’être examiné par le sénat, les Français se focalisent sur des scandales ou des débats de société sans rapport direct avec leurs difficultés financières quotidiennes.
Les chiffres délivrés par l’Insee concernant l’emploi en France clignotent. Ils avaient atteint un nouveau seuil en février, sans avoir encore dépassé ceux de janvier 1997. Mardi 26 mars, c’était pas moins de 3.187.700 personnes qui se retrouvaient sans activité en France. Depuis un an, la France a connu une hausse drastique du chômage (+10,8%) et Pôle Emploi a également fait exploser les compteurs avec 4,7 millions de demandeurs d’emploi en métropole fin février.
Les Français devraient être obnubilés par leur situation. Pourtant, il ne semble pas que ce soit la raison principale qui les fasse s’indigner ou descendre dans la rue. Ce qui est tout à fait contraire à leurs habitudes et aux manifestations qui ont rythmé le calendrier de ces dernières années (le financement de la sécurité sociale en 1995, les retraites en 2003, les salaires et les 35 heures en 2005 ou encore le CPE en 2006).
Nos oreilles bourdonnent pour milles raisons exceptées celles-là. L’affaire Cahuzac, les déclarations de patrimoine des ministres, ou encore le mariage gay pour lequel les « anti » remuent ciel et terre, les scandales et les insatisfactions fusent. Mais les protestations sont étrangement éloignées des préoccupations primaires des Français.
A tel point que l’accord clé sur l’emploi actuellement examiné au Sénat afin d’être définitivement transposé dans la loi française n’a quasiment aucun écho dans la presse. Un accord qui demande pourtant aux salariés de consentir à un certain nombre d’aménagements et de revenir sur un certain nombre d’acquis. On ne peut pas parler de rassemblements massifs sur le territoire à la suite de l’appel de la CGT et de FO, qui ne sont pas signataires de l’accord. De même, le passage du texte à l’Assemblée nationale n’a abouti qu’à de faibles modifications, et pour cause.
Cet accord est le fruit de longs mois de négociation faisant suite à la conférence sociale du 9 et 10 juillet 2012. Signé le 11 janvier 2013 par le patronat (MEDEF, CGPME, UPA) et 3 syndicats (CFDT, CFTC, CFE-CGC). C’était la première fois dans l’histoire sociale française que les partenaires sociaux convenaient ensemble d’un accord sans l’intervention du gouvernement.
L’accord National Interprofessionnel avait pour principaux objectifs d’injecter davantage de flexibilité dans les rouages des entreprises et de sécuriser les salariés. Le texte semble avoir réussi ce périlleux exercice d’équilibriste ce qui lui a valu d’être validé dans l’esprit, et dans la lettre à quelques amendements près, à l’Assemblée nationale le 2 avril 2013.
Deux facteurs peuvent expliquer l’apathie des Français. Soit ils sont vraiment distraits par une actualité inégalement traitée par les médias, soit ils approuvent le texte et veulent sortir de l’inaction et de l’attentisme qui ont prévalu jusqu’ici. Dans le second cas, il y a fort à parier que les français souhaitent limiter les modifications lors de l’examen du texte au Sénat.
C’est en effet à la seule condition d’un texte intègre et respecté autant dans le fond que dans la forme que l’Accord National Interprofessionnel pourra fonctionner. Si le sénat opère des changements trop importants, tous les efforts consentis en amont autant par le patronat que par les syndicats seront réduits à peau de chagrin et il sera très difficile de recréer des conditions favorables de négociations à l’échelle des entreprises.