Numérique : éviter un décrochage du secteur culturel européen
L’Europe est-elle en train de perdre la bataille du numérique ? Quels acteurs du Vieux continent peuvent lutter à armes égales contre Google, Facebook ou Apple ? Selon l’ancien secrétaire général adjoint des Nations Unies et ancien président de la Sacem Bernard Miyet, l’Europe doit miser sur des « champions de la diffusion culturelle ».
Le constat dressé en juillet dernier par Bernard Miyet dans les colonnes du Monde est sans appel : les géants américains du Web ont « déjà gagné la bataille de la distribution » numérique et il est vain de chercher à rivaliser dans ce domaine avec Google (Youtube), Apple ou Amazon. En revanche, selon lui l’Europe risque également de décrocher en terme de diffusion culturelle.
« L’Europe ne doit pas devenir un simple espace de consommation d’oeuvres ou de concepts créés et produits par des entreprises non européennes », prévient-il avant d’ajouter que « la production culturelle européenne ne peut pas se permettre de manquer le rendez-vous » de la dématérialisation des contenus culturels née de la révolution Internet.
La culture, un vecteur de la construction européenne
Et l’ancien diplomate de relever que « le secteur des industries culturelles reste non seulement essentiel en matière d’emploi dans les pays européens, mais, de surcroît, il est un puissant vecteur de cohésion sociale et un ingrédient essentiel pour poursuivre la construction européenne ». Une importance symbolique que les dirigeants politiques ont du mal à appréhender selon M. Miyet.
« Alors qu’il eût fallu se préoccuper de l’invraisemblable dumping fiscal auquel se livrent certains petits Etats européens comme l’Irlande et le Luxembourg pour le seul bénéfice des mastodontes américains, les fonctionnaires bruxellois ne cessent actuellement d’ergoter sur les risques théoriques de position dominante des entreprises de production et de diffusion européennes, voire condamnent la France pour avoir réduit de 2 % le taux de TVA sur le livre électronique », assure-t-il en faisant référence au fait que les géants américains contrôlent jusqu’à 80% du marché.
Et Bernard Miyet de conclure en rappelant que seules deux entreprises européennes disposent aujourd’hui des capacités de jouer un rôle sur le marché global de la culture numérique : Vivendi et Bertelsmann. Encore faudrait-il selon lui redonner « un grand bol d’air à nos propres entreprises de diffusion et de production par la mise en place de règles fiscales et de dispositions légales et réglementaires qui ne les désavantagent pas par rapport à leurs homologues américaines ».
Vivendi et Bertelsmann « sont les seuls groupes majeurs à avoir la capacité économique de rivaliser avec des grandes sociétés anglo-saxonnes ou asiatiques. Eux seuls permettent d’offrir à nos artistes, partout en Europe, la possibilité d’exister et de trouver un rayonnement international. »