Hollande et les grands patrons : l’entente cordiale ?
François Hollande avait fait grand bruit au cours de la campagne en déclarant symboliquement la guerre à « l’empire de l’argent ». Depuis, le candidat socialiste est devenu président de la République et ses relations avec le monde de l’entreprise semblent s’être apaisées. Gouvernement et grands patrons ont en effet tout à gagner à s’entendre sur les grands dossiers.
François Hollande a pris de la hauteur. Les éventuels conflits avec les groupes industriels sont délégués à son ministre du Redressement productif. A Arnaud Montebourg de distribuer les bons points ou, le cas échéant, de tancer les patrons qui ne jouent pas le jeu selon les règles fixées par le gouvernement, comme cela a été récemment le cas dans le dossier Doux.
Mais pour le reste, une véritable paix des braves semble s’être instaurée entre la majorité et les grands patrons. Loin des discours enflammés de campagne d’un côté et des inquiétudes dévoilées en off dans les médias de l’autre, le courant passe pour l’heure plutôt bien. Mieux qu’avec le précédent gouvernement ? Peut-être…
Il faut dire que François Hollande a choisi de confier tous les portefeuilles à caractère économique à des personnalités politiques connaissant bien les rouages du monde de l’entreprise, et notamment des grandes entreprises. Qu’il s’agisse de Michel Sapin (Travail), Pierre Moscovici (Economie et Finance) ou Jérome Cahuzac (Budget), l’équipe économique du gouvernement est crédible et respectée.
Seule la présence d’Arnaud Montebourg, père Fouettard annoncé de l’orthodoxie de gauche, pouvait donner des sueurs froides aux décideurs économiques… Mais même concernant le trublion du PS, les peurs ont été de courte durée tant le ministre a rapidement compris qu’il n’avait pas seul en main tous les leviers anti-crise et que sa mission ne pourrait être réussie sans concertation et entente avec les décideurs économiques.
De l’autre côté du miroir, les grands patrons ne sont pas en reste dans cette lune de miel entre la gauche et « l’Argent ». La quasi-totalité d’entre eux ont montré patte blanche au nouveau pouvoir et ont adapté leur stratégie aux axes politiques du nouveau pouvoir. Un jeu de séduction particulièrement visible dans les groupes publics, qui s’adaptent à la vitesse grand V aux exigences de la nouvelle majorité.
Stéphane Richard chez France Télécom et Henri Proglio chez EDF semblaient condamnés après le 6 mai… mais se sont sensiblement rapprochés du gouvernement depuis plusieurs semaines.
Le PDG de France Telecom a su (malgré le bug embarrassant de la semaine dernière) se concilier les bonnes grâces de la gauche en axant son action sur l’aspect social, longtemps délaissé, et en annonçant l’arrêt des fermetures de sites et des délocalisations (cause de la vague de suicides qui touche l’opérateur). Donné partant en mai, Stéphane Richard vient de se déclarer candidat à sa propre succession en 2014. Le signe d’un retour en grâce ?
Le cas du patron d’EDF est tout aussi symbolique. Proche de Nicolas Sarkozy qui en avait fait le chef de file de la filière nucléaire française, Henri Proglio était il y a quelques semaines sur un siège éjectable. Mais la volonté d’apaisement est manifeste des deux côtés, et les résultats industriels d’EDF plaident en faveur d’un Proglio qui a mis la « réindustrialisation » et l’emploi au coeur de ses priorités stratégiques… Arnaud Montebourg a-t-il apprécié ?
Quoi qu’il en soit, le flirt entre la gauche et le secteur économique reste à se concrétiser et à passer l’épreuve du temps et des difficultés qui s’annoncent dès la rentrée entre plans sociaux et morosité économique ambiante. Le gagnant-gagnant du début de mandat résistera-t-il aux crispations politiques ?