Forum Économique Mondial de Davos : l’occident n’est plus maître
La petite bourgade de Davos, en Suisse, accueille chaque année au mois de janvier les dirigeants du monde entier, dans le cadre du Forum Économique Mondial. C’est l’occasion rêvée pour les élites d’inhaler l’air frais des Alpes et de s’échanger quelques bons tuyaux, avant de regagner leurs gratte-ciels à NY ou Shanghai. Lumière sur l’ambiance très particulière qui règne dans ce village au décor Alpin, une fois par an.
Davos. La station de sports d’hiver par excellence. Sa coupe de Hockey, son domaine skiable et son Forum Économique Mondial annuel, rien que ça. Cette année, environ 2.500 personnes étaient conviées, du 25 au 29 janvier 2012 pour cette 42ème édition.
Intellectuels, décideurs politiques, scientifiques et même religieux, sont conviés à faire cogiter leurs neurones à l’unisson, autour d’un thème central « La grande transformation, mettre en forme de nouveaux modèles ». Les débats, ni officieux, ni officiels, s’orientent autour des grandes questions qui préoccupent la planète. Au plat du jour donc, ça parle croissance, ressources technologiques, modèles sociaux, innovation et emploi. Avec le climat économique maussade et la crise de la dette dans la zone euro, l’avenir du capitalisme est également remis en cause.
À l’origine de tout ça, un économiste suisse, Klaus Schwab. En 2009, il révèle avoir crée ce colloque il y a quarante ans pour que « les PDG rencontrent la société civile. Au fil des ans, leurs politiques de rémunérations ont rapproché les PDG des actionnaires et, parallèlement, les actionnaires sont devenus court-termistes. Il faut reconstituer un ethos professionnel ».
En 1971, les premières fondations du futur Forum Économique Mondial sont posées. Schwab organise son premier European Management Symposium au centre de congrès de Davos, pour lequel il invite 444 entrepreneurs à discuter des pratiques de management en vigueur aux Etats-Unis. Schwab introduit la notion de stakeholder management approach (parties prenantes) sur le vieux continent. Elle s’appuie sur le courant « moraliste-éthique », au sens où l’action de l’entreprise a un devoir moral et évalue la concordance entre rationalité économique de l’entreprise et préoccupations sociétales. Dirigeants, actionnaires, syndicats, clients et salariés prennent tous part au dialogue en entreprise.
En 1987, le congrès acquiert une dimension internationale. Le colloque qui s’adressait jusqu’alors aux entreprises européennes, adopte le nom de Forum Économique Mondial (World Economic Forum), et rassemble désormais la fine fleur des élites intellectuelles, scientifiques, politiques, religieuses, du monde entier.
Observateur auprès du Conseil Économique et Social des Nations Unies, le conseil de fondation de l’institution préside l’ensemble. On trouve entre autres dans ce cercle le PDG de Renault-Nissan, Carlos Ghosn, le patron de la Goldman Sachs, Peter D. Sutherland, la directrice du FMI, Christine Lagarde ou encore l’ancien Secrétaire Général de l’ONU, Kofi Annan.
Au fil des ans, les dirigeants politiques se sont appropriés Davos, pour en faire un terrain d’entente et résoudre les démêlés qui les opposent. Ainsi, grecs et turcs signent la déclaration de Davos en 1988 pour éviter un conflit qui semblait inévitable. En 1994, Shimon Peres et Yasser Arafat concluent un accord pour Gaza. Bill Gates prononce un discours sur le « capitalisme créatif » en 2008, qui utilise la vigueur du marché pour mieux répondre aux plus démunis.
Soucieux des questions environnementales, le forum porte sur l’environmental initiative en 2005, concentré sur la réduction des gaz à effet de serre, le changement climatique et l’accès à l’eau potable, dans le cadre du Gleneagles Dialogue on Climate Change.
Cette année-ci, l’accent est donc mis sur le thème « La grande transformation, mettre en forme de nouveaux modèles. » Place aux pays émergeants qui ont eux aussi, leur part du gâteau à manger. Interrogé par la revue XXI, Félix Marquardt, fondateur des dîners de l’Atlantique, évoque ce qui semble se profiler à l’horizon « les Occidentaux se racontent [le débat] en termes de crise et même de désastre. Mais pour les pays émergeants, ce n’est pas du tout la même histoire : notre désastre est leur triomphe » et de poursuivre « Nous étions les riches, eux les pauvres, c’est en train de s’inverser, et si Davos est tellement passionnant, c’est parce que […] les vedettes n’y sont plus les patrons du CAC 40, ni les banquiers américains, ni même les chefs d’État occidentaux […] mais les chinois, les indiens, les indonésiens, les africains, même, dont les économies sont en pleine croissance, les banques pétantes de santé, et ce Forum que vous voyez, comme bastion d’une oligarchie à fois repue et assiégée est en fait à la pointe avancée de ce qu’autrefois on appelait le tiers-mondisme. »
Le développement économique et politique dans les pays émergeants est acquis. Et cette année l’honneur revient d’ailleurs au continent africain, qui déroge à la règle de la tendance actuelle morose. La Banque Mondiale prévoit une croissance de l’ordre de 8% pour 2013 – 2014. La progression constante des PME/PMI constitue un levier de développement économique pour l’Afrique. Avec l’appui de partenaires étrangers (ONG, entreprises, gouvernements), les pays africains mettent en place des programmes nationaux de promotion des investissements et d’appui à l’entreprenariat. Les dirigeants africains sont les seuls à être plus confiants pour les années à venir.
Le Forum de Davos a de particulier, qu’il tourne la page des négociations politiques, de la diplomatie dans tout ce qu’elle a de plus grandiloquent : exit donc les échanges de bons procédés entre occidentaux. Exit aussi les chefs d’États, seuls décideurs de l’avenir de la planète, comme on peut le voir aux sommets du G8 et G20. Les pays émergents ont pris leur destin en main, l’hégémonie occidentale est révolue. Place au tiers-monde.