La Turquie, une opportunité pour l’économie européenne
La Turquie connaît un formidable élan de croissance. Malgré le climat économique maussade, le pays est propulsé cette année à la quinzième place mondiale des pays les plus riches (PIB). De quoi faire d’Ankara une formidable opportunité pour sauver l’économie européenne ?
La Turquie, ce pays coincé entre deux grands ensembles, Asie et Europe, défie la morosité internationale avec un PIB en hausse de plus de 9% en 2010 et 8,8% en 2011. Son taux de chômage tourne autour des 9,8%, soit deux points de moins que l’année précédente (pour comparaison, la moyenne de la zone Euro est à 10,9%). Son PIB en PPA (Parité de Pouvoir d’Achat), passé de 8 dollars en 2003 à 13,5 en 2010, la place derrière le Canada. En un mot, l’économie turque se porte bien.
Une petite dizaine d’années à peine aura eu raison de l’économie peu compétitive turque, transformée en vraie puissance émergente. Quinzième, donc, puissance mondiale, devant des pays comme les Pays-Bas et la Suisse, ce bond économique lui a valu le surnom de « Chine de l’Europe ».
De l’économie à la finance, il n’y a qu’un pas. Depuis mars 2012, la Livre turque a enfin sa griffe, un « L » barré de deux traits. Tout un symbole. Ce n’est pas une simple opération dénuée de sens. C’est un nouveau palier dans le renforcement de la monnaie turque, désormais indépendante financièrement parlant et synonyme de valeur sûre. C’est également un signe fort qui tend à désigner la Turquie comme nouvel interlocuteur sur le plan international.
La Turquie a toujours tenu à entretenir des relations diplomatiques très fortes avec le monde occidental (UE, USA, OTAN etc.) Elles vont dans le sens des réformes menées historiquement par son premier président de la république, Mustafa Kemal Atatürk. Mais la Turquie a également su réactiver efficacement ses liens avec le monde arabo-musulman après le Printemps Arabe faisant d’ Ankara un exemple pour plusieurs partis politiques tunisien ou égyptien. Comme l’a expliqué Yasar Yakis, ancien ministre des affaires étrangères turc, la Turquie est prête à assumer ce rôle en utilisant les convergences avec les pays arabes nées au temps de l’empire Ottoman pour promouvoir la démocratie et les droits de l’homme dans la région.
Son désir d’appartenir à l’Union Européenne, « l’Europe a plus besoin de la Turquie, que la Turquie de l’Europe » (affirme le premier ministre, Recep Tayyip Erdoğan) est encore présent, malgré l’opposition de quelques pays comme la France et l’Autriche. La Turquie bénéficie en effet d’une modernité particulière. Particulière, car c’est le seul pays peuplé majoritairement de musulmans, mais dans lequel l’Islam n’est pas une religion d’État et où la laïcité est inscrite dans la constitution depuis 1937. La Turquie s’inscrit de fait comme médiateur principal entre le monde arabo-musulman et le monde occidental.
La présidence Sarkozy fut marquée par des relations tendues entre la France et la Turquie. L’ancien président de la République a été régulièrement accusé de chauvinisme par ses homologues qui se sont plaints des nombreuses vexations subies (visites d’Etat de moins de 5 heures, loi pénalisant la négation du génocide arménien, entre autres). « Sans la démographie turque, l’Europe court le risque de prendre le même chemin que l’Italie dans les prochaines décennies » affirme pourtant Félix Marquardt, fondateur des Atlantic Dinners, corroborant ainsi la phrase de Recep Erdogan. Le nouveau gouvernement français sera-t-il plus réceptif à ces arguments ?
Erdoğan espère des liaisons plus amicales avec le président fraîchement élu, François Hollande. « Nous espérons que la nouvelle période en France soit très différente de la précédente dans les rapports turco-français » souligne t-il. En décembre dernier cependant, Hollande s’était prononcé pour l’adoption de la proposition de loi réprimant la négation du génocide arménien. Malgré sa suppression par le Conseil constitutionnel, les relations Paris-Ankara étaient tendues. Le nouveau président élu devrait néanmoins adoucir sa politique à l’égard des turcs.
Économie florissante qui attire bon nombre d’investissements étrangers, notamment européens, interlocuteur de taille sur la scène politique mondiale etc. Lorsqu’on entend parler des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) comme puissances émergentes, un pays peut s’y ajouter : la Turquie.
Une question reste cependant en suspens. Au regard de la situation dramatique que vit actuellement la Grèce et bientôt peut-être le Portugal, l’Italie ou l’Espagne, l’adhésion à l’Union Européenne est-elle toujours pertinente ?