Démantèlement/centrale nucléaire : chiffrage et savoir-faire
La question du coût du démantèlement des centrales nucléaires françaises s’est invitée dans le débat à l’occasion de la publication du rapport de la Cour des comptes sur le coût de la filière nucléaire. Un coût qui fait l’objet d’âpres batailles de chiffres entre pro et anti nucléaires sur la double thématique du chiffrage et du savoir-faire… et avec pour enjeu le prix global du kilowatt d’énergie électro-nucléaire.
La principale estimation du coût du démantèlement nucléaire provient à l’heure actuelle d’EDF. Selon l’opérateur du parc nucléaire français, le démantèlement des 58 réacteurs français aura un coût estimé à 22,2 milliards d’euros, déjà provisionnés par l’électricien public.
Comment est estimé ce chiffrage qui est considéré avec « prudence » par la Cour des comptes ? Le démantèlement d’une centrale nucléaire est une entreprise industrielle lourde et unique. Difficile par conséquent d’avoir des estimations précises sans expériences antérieures. Et c’est là que le torchon brûle entre opposants et partisans de l’atome.
En France, EDF s’appuie sur l’expérience des neuf chantiers de déconstruction de réacteurs nucléaires en cours (Brennilis, Bugey 1, Chinon A1, A2 et A3, Chooz A, Creys-Malville et Saint-Laurent A1 et A2) dont certains ont été lancés dès les années 1980. Ces chantiers, qui ont certes connu des surcoûts importants, offrent également une certaine visibilité à l’opérateur historique.
Une visibilité toutefois limitée par le fait que l’essentiel de ces réacteurs (6 sur les 9 en cours de déconstruction) sont des réacteurs de première génération, dits à graphite-gaz, et que la totalité des centrales en activité dans l’hexagone disposent de réacteurs de deuxième génération à eau pressurisée (REP).
Et qui dit réacteurs différents, dit savoir-faire et coûts différents… Mais là aussi, EDF se justifie et explique que les 22,2 milliards d’euros provisionnés prennent en compte cette spécificité et que le coût du démantèlement des réacteurs REP serait inférieur à celui des réacteurs de première génération.
Preuve à l’appui. Aux Etats-Unis, seul pays au monde où des réacteurs de deuxième génération ont été ou sont en cours de démantèlement, les chiffres annoncé sont largement inférieurs au coût du démantèlement des réacteurs de première génération… et même des provisions d’EDF.
Selon l’organisme en charge de la sûreté nucléaire américaine, la Nuclear Regulatory Commission (NRC), le coût de la déconstruction d’un réacteur REP est d’environ 300 millions de dollars. La France possédant 58 réacteurs à eau pressurisée, le coût de la déconstruction selon ce barème passerait du coup à environ 17 milliards de dollars (13 milliards d’euros).
Mais là encore, le savoir-faire et l’expérience ont un coût et les 300 millions de dollars nécessaires pour la déconstruction d’un réacteur américain prennent aussi en compte les retours d’expérience des premiers chantiers. Dont acte.