Les services d’aides aux particuliers menacés ? 10 bonnes raisons pour expliquer la colère des dindons
Après, les pigeons, les moineaux et les moutons, les dindons viennent s’ajouter au lot des mécontents avec une pétition qu’ils veulent adresser au gouvernement. Quelles sont les motifs de cette nouvelle fronde ? Voici dix raisons pour vous aider à comprendre.
1) Tous les Français sont des patrons
Alors que le premier Ministre Jean-Marc Ayrault a déclaré, que 9 Français sur 10 ne seraient pas impactés par l’augmentation des impôts, on sait que 10 Français sur 10 peuvent être concernés par les SAP (services d’aides aux particuliers). En effet, tous les parents peuvent avoir besoin à un moment ou un autre d’une aide ménagère, d’une nounous ou de cours particuliers pour leurs enfants ou de tout autre type de service. Toutes les personnes âgées, enfin peuvent avoir besoin de soins à domicile. Chaque foyer français est donc un employeur potentiel d’un prestataire de service à domicile et aujourd’hui, ce ne sont pas moins de 4,5 millions de ménages qui ont recours à ce type de solution.
2) Les employés : des gens en situation précaire
Aujourd’hui, le secteur des SAP emploie plus de 1,6 million de salariés, dont 450000 emplois
très précaires. On trouve parmi eux, des nourrices, des jardiniers, des femmes de ménage, des réparateurs à domicile, des aides ménagères, des aides soignants… 40% de ces salariés étaient sans emploi déclaré avant d’être employés, 82% des salariés n’ont pas le bac et 33% n’ont aucun diplôme lors de l’embauche. Sans compter tous les étudiants qui intègrent le monde du travail grâce à ces dispositifs. Il est donc évident que ce secteur d’activité permet d’insérer dans le monde du travail de nombreux employés qui, sans cela, se retrouveraient marginalisés.
3) Un secteur d’activité créateur de nombreux emplois
Dans une étude menée par le centre d’analyse stratégique, les SAP font partie des secteurs
créateurs d’emplois. En effet sur les 944 000 emplois qui pourraient être créés de 2011 à 2016, les experts estiment que ce secteur à lui seul représenterait 18% des créations brutes d’emplois. Ils basent cette affirmation sur le vieillissement de la population, les besoins sociaux liés au fractionnement des structures familiales et la demande de loisirs récréatifs. Ainsi, en 2016, les SAP créeraient 171 000 emplois.
4) Un secteur qui rapporte à l’état
On estime que les SAP rapportent 2,6 milliards d’euros de bénéfices net annuels pour les finances publiques. Le rapport Wyman a évalué que les entreprises du secteur généraient des bénéfices 1,9 fois supérieurs au soutien public financier relatif à leur activité. Ainsi le développement de ces services a de nombreux impacts indirects. Par exemple, les soins à domicile évitent à l’Etat d’avoir à investir lourdement dans la construction d’infrastructures pour les personnes dépendantes. Les cours particuliers diminuent le nombre des redoublements. Et les aides ménagères permettent à un plus grand nombre de femmes de travailler, ce qui génère davantage de revenus. Un euro de soutien public aux entreprises de ce secteur générerait donc 1,9 euros de bénéfices pour les finances publiques.
5) Un choix rendu impossible
Aujourd’hui, le particulier employeur peut, au choix et en accord avec son salarié, déclarer les cotisations sociales « au réel » (cotisations calculées sur la base de l’intégralité du salaire), ou au forfait, (cotisations calculées sur la base du Smic), quel que soit le salaire versé au salarié. La cotisation au forfait est plus économique pour l’employeur mais est moins favorable aux droits sociaux du salarié. Quand je choisis de payer mon salarié au réel, et que je lui verse 12 euros de l’heure, ses cotisations sont calculées sur cette somme. Sachant que l’abattement de charge patronale qui rendait ce mode de règlement moins onéreux pour l’employeur a été supprimé en 2011, il est aujourd’hui plus avantageux de régler le salarié au forfait. C’est pour cette raison que le gouvernement prévoit de supprimer ce choix.
6) Les deux réformes en cours
Si l’article 15 du PLFSS 2013 est adopté, alors il sera désormais impossible pour l’employeur
de régler son salarié au forfait. Par ailleurs, l’article 56 du PLF2013 prévoit d’inclure les services d’aide à la personne dans le plafond des niches fiscales. Enfin, on évoque également une suppression de la TVA à taux réduit. Toutes ces réformes induiront forcément plus de charges pour l’employeur.
7) Une augmentation insoutenable
Une heure de cours à 10 euros revient à 6,60 euros de cotisations au forfait. Elle revient à
8,26 euros au réel, soit une augmentation du coût du travail de 10%. Or l’IFOP a calculé que
si les coûts du service augmentaient de 10%, 86% des Français en consommeraient moins.
La suppression de la possibilité de régler au forfait aura donc pour conséquence une baisse
catastrophique d’activité pour les entreprises et associations.
8 ) Le plus grand plan social de tous les temps
Le gouvernement estime qu’au travers de cette mesure, les salariés seraient mieux couverts et que les 1,4 millions de salariés qui travaillent à domicile auraient davantage de droits sociaux, car les cotisations perçues par la Sécurité sociale augmenteraient de 200 à 300 millions d’euros. Ce raisonnement ne tient nullement compte du fait évoqué précédemment : les Français auront moins recours aux emplois à domicile et plus de 85000 personnes risquent de se retrouver au chômage. Ce sont également tous les mandataires, entreprises et associations, avec leurs nombreux salariés qui devront mettre la clé sous la porte.
9) Une mesure contre-productive
Le projet du gouvernement semble aller en dépit du bon sens en rejetant en dehors du cadre
professionnels les personnes qui exercent les métiers du SAP. Alors que les politiques prétendent faire feu de tous bois contre le travail au gris et au noir, il est certain que le flot de ce personnel va se ruer dans ces zones obscures. Ainsi, les familles continueront d’employer leur personnel de façon non déclarée pour quelques heures par mois et le reste des heures sera payé au noir pour ne pas payer de charge. Enfin, seules les familles qui ont les moyens pourront avoir recours aux SAP. Au final, on évalue le coût pour l’Etat à 357 millions d’Euros.
10) On a la preuve que ça ne marche pas
Ceux qui ont encore des doutes pourront se référer à l’Espagne où une mesure similaire a
été adoptée par l’Etat au début de l’été. Le bilan est éloquent: 28000 salariés ont perdu leur
couverture sociale (400.000 intervenants à domicile, non déclarés ont vu le jour) et la sécurité sociale espagnole a perdu 63 millions d’euros au seul titre des cotisations sociales et des emplois familiaux. L’Etat français ne devrait-il pas méditer sur ce cas avant de s’engager dans les réformes qu’il a prévues ?
Merci pour cet article. C’est comme si c’était moi qui l’avait écrit : je n’aurais pas dit mieux !
bravo pour la clarté de l’explication